COMMENCER – Novembre 2008

Notes pour un texte à venir






16.11.08. C’est le silence du jour où il naît. C’est le premier cri au contact de l’air. C’est dans la trachée. C’est le premier signe de vie par sa voix. C’est sans le langage. C’est le premier jour. C’est la venue. C’est l’événement premier. C’est une voix muette qui prend la parole. Elle dit. Je viens recommencer l’événement. C’est une voix muette qui prend la parole et dit je viens réinventer chaque instant. Une voix muette qui prend la parole et dit je viens. Afin de vivre maintenant chaque phrase. Chaque mot. Chaque geste. Je viens après la naissance quand la vie commence. Dit la voix muette. Je ne viens pas afin de naître sans fin. Je viens. Pour déployer la naissance.





17.11.08. Aller chercher un document officiel attestant d’une date reconnue par une autorité tierce. Séquencer la vie. Première séquence : 1968-1987. Clermont-Ferrand. Deuxième séquence : 1987-2001. Paris. La troisième séquence commence en 2004 à Nantes. Il y a des trous dans l’histoire. Travailler. À faire le récit de ces trous. Travailler. À faire le récit des événements. Travailler à une histoire de l’évènement. Par ce qui surgit. Autant que. Par ce qui se tait. Travailler à une histoire de l’évènement. Par ce qui vit dans la non-concordance de ce qui est donné à voir et de ce qui est ou s’est réellement vécu. Le réel n’est pas ce qui est dit. Le réel n’est pas ce qui se dit. Travailler dans la non-concordance des séquences intimes et des séquences historiques. Vivre dans la concordance. Quelque soit le vécu de la vie. Quelque soit la concordance. Être en concordance avec sa vie. 6h57. Une jeune femme en nuisette dans l’encadrement de la fenêtre. L’immeuble d’en face. Une seule fenêtre éclairée. Vue sur la cuisine. Les tendres bras d’une jeune princesse. Tout commence aujourd’hui. Une fois encore aujourd’hui tout commence. Par la naissance. Y aura-t-il un lieu jamais où tu vivras plus longtemps que dans celui où tu vins au monde. L’éternité. Un récit des événements. Ceux de l’histoire qui t’a précédé. Ceux de l’histoire qui t’a vu naître. Ceux de l’histoire dont tu as été le contemporain. Dont tu es le contemporain. La disponibilité à l’accueil pour ceux qui : à venir.

Entre le souvenir et le temps présent où j’écris, la réalité de mon corps. Les tendres bras d’une jeune princesse. Le souvenir appartient au présent du corps. La mémoire, pas le souvenir. Le corps accueille la mémoire et le présent. Le souvenir sépare la mémoire du corps. Le corps est ce lieu qui rassemble et qui sépare. Le corps est le lieu de la mémoire. Le corps est la mémoire. Le souvenir n’a pas de mémoire. Ce qui existe. Ce qui consiste. Ce qui subsiste.

Naissance. De la mémoire. Violence. De la naissance. Guerre. Entre mémoire et souvenir. Mémoire est un corps vivant. Souvenir est un corps mort. Le souvenir est la mort du corps. La mémoire participe à son vivant.

Je suis un corps de dix ans. Je me réveille dans la nuit. Je sors de la chambre. J’ai appris à ouvrir les portes sans qu’elles grincent. J’ai appris à ouvrir certains coffres, la nuit. Mon corps de dix ans ne sait pas encore les ouvrir de jour. J’ouvre le porte-monnaie dans la nuit. Je ne suis plus celui que je fus. Je parle de ce corps de dix ans. J’ai encore dans les poches les pièces de monnaie volées dans la nuit. 15 juin 2009, 16h27. Je rédige le commencement d’un récit qui dira la dépense. Je signe aujourd’hui le geste. Je dépense l’ancien. J’aspire à aimer l’être que je suis aujourd’hui. Et cela d’où qu’il vienne. J’aspire à aimer l’être qui vient. Et cela quelque soit la forme de mon amour. Je pardonnerai à celui qui me prouvera par les actes qu’il a changé. Et pas trop tard’. Je cite de mémoire. 07h22. Elle a un frère. Il la rejoint dans la cuisine. 07h28. La lumière éclaire la salle de bain. Le cadre de la fenêtre éclairé de la salle de bain et la vitre opaque et la forme d’un corps derrière l’opacité. La mère referme la fenêtre de la chambre de la jeune princesse. Je pense à la revue pornographique trouvée dans le tiroir de la table de nuit. Je pense aux collants de ma mère que j’enfile. Je pense à la chambre de mes parents. Je pense à mon corps seul sur leur lit en leur absence. Ils ne m’entendent pas. Je ne leur parle pas. J’écris ce que j’ignore : ce que j’apprends à découvrir de l’ignorance sans cesse croissante, dans laquelle ce qui vient chemine. J’écris depuis ce que je sais et dans ce que j’ignore. Depuis ce que je cède. Depuis le si peu que j’apprends dans l’ignorance, je creuse la terre natale, le lieu natal : au présent de chaque lieu où j’écris, aujourd’hui, Aubervilliers. Le lit d’origine, j’écris ici comment je le défais [une maison, en chantier] afin de pouvoir penser l’origine qui vient. J’écris. Pour les morts. Non. Fini tout ça : pour les morts, à leur place, à leur attention, pour ce qu’ils n’ont pas dit, ce qu’on ne leur a pas dit, cela que l’on aurait voulu qu’ils disent. Non. Fini. Jamais fini. À leur place : jamais. Dans le secret de ma place naissante. Gardien du secret. Pour tout dire depuis la place du vivant. Morts à venir que nous sommes, foutaises. Immeuble en face. Le frère de la jeune princesse. Sa chambre à elle. sa chambre à lui. La lumière éteinte dans la cuisine. Une lumière allumée dans le couloir. Le cadre de lumière dans l’ouverture d’une porte. La lumière dans la salle de bain. La fine bande horizontale d’une image sans opacité, sous le cadre de la fenêtre légèrement ouverte. La bascule de la fenêtre. La salle de bain. Le déplacement d’un corps. La jeune princesse. Le corps nu de la jeune princesse à portée de regard. L’immeuble d’en face. La sirène du chantier qui retentit. Le bras de la grue pivotant en silence dans le jour gris pâle pas encore levé. - Ah, tu es déjà levé ? – Je ne suis plus l’enfant que vous avez connu. – Tu n’es plus la jeune princesse que j’ai connu. – La fenêtre de la cuisine est ouverte. – Je fais entrer de l’air dans la maison.





18.11.08. Et le soir. Parfois dans la chute, encore. Chaque soir appelle encore l’autre. Et seul il n’y a que seul que l’on s’effondre. Et chaque matin, reprenant courage. Revenant de l’effondrement de la veille. Chaque matin, retrouvant la force. Par une compréhension qui chaque jour se précise. Dans un rapport vécu chaque jour autrement compris. À la suite de. Et avec. Solitude vive, qui ouvre. Chaque matin. Repartant pour un jour sans effondrement. Chaque matin, confiant. Chaque jour. Travaillant à comprendre l’incessant travail qu’est la remise en forme de cette confiance. Aucun repos.

Je ne peux pas revenir en arrière. Je ne peux pas revenir sur un engagement pris. Bien sûr que je peux. Revenir sur un engagement, oui. En arrière, non. La violence, non du retour, mais de la défaite d’une image faite, dont le désir qui l’a fait naître ne tient plus. La compréhension mouvante de ce qu’il en est de ton désir. La justesse encore vivante de la promesse ancienne. Le désaccord présent avec la promesse ancienne. L’oubli de la promesse ancienne. Le corps ouvert à l’absence de promesse.

"Ce passage de la limite, j’y verrais aussi, en un certain sens de ce mot, une écriture, en un sens de ce mot auprès duquel je rôde depuis des décennies. L’ « écriture », oui, on désignerait ainsi, entre autres choses, un certain mode d’appropriation aimante et désespérée de la langue, et à travers elle d’une parole interdictrice autant qu’interdite (la française fut les deux pour moi), et à travers elle de tout idiome interdit, la vengeance amoureuse et jalouse d’un nouveau dressage qui tente de restaurer la langue, et croit à la fois la réinventer, lui donner enfin une forme (d’abord la déformer, réformer, transformer), lui faisant ainsi payer le tribut de l’interdit ou, ce qui revient sans doute au même, s’acquittant auprès d’elle du prix de l’interdit. Cela donne lieu à d’étranges cérémonies, à des célébrations secrètes et inavouables. Donc à des opérations cryptées, à du mot sous scellé circulant dans la langue de tous". Le monolinguisme de l’autre, Derrida.

Une figure, c’est quoi une figure.

À quoi est confronté un écrivain quand il écrit. À quoi est confronté un écrivain quand il écrit, demande un écrivain pour répondre à sa question face à une centaine de personnes venus l’entendre parler. À quoi est confronté un écrivain qui parle. À quoi est confronté un homme qui parle. À quoi est confronté un homme qui écrit. Un homme qui écrit cherche quoi quand il écrit. Un homme qui écrit cherche comment quand il écrit. Un homme qui parle cherche-t-il à dire autrement une même vérité que l’homme qui écrit. Un homme qui parle. Un homme qui écrit. Un homme qui cherche à dire la vérité comme elle est, et dit : la vérité n’est pas, elle est à écrire, elle est à dire, elle est à interroger par l’écriture qui ose prétendre l’interroger, et par ses questions mêmes : ose et prétend qu’elle invente une réponse en perpétuel et vivant changement. Quelque soit l’écriture. Imaginer, autrement dit : voir, dit-il. Imaginer un phénomène incontrôlable. Vivre dans ce phénomène. Dans l’histoire de ce phénomène. Dans le pouvoir : DE l’imagination. Vivre. Dans le pouvoir. Écrire. L’histoire. De ce[ux] qui n’a [n’ont] pas laissé de traces. Ceux : qui n’ont pas voulu le pouvoir, aucun : jusqu’à celui de ne vouloir laissé aucune trace. Faire le récit de ce temps où ces glorieux combattants réalisent l’impossibilité de vivre sans laisser de traces. Faire le récit de ce temps où naît un écrivain. Faire le récit de la naissance du corps d’un écrivain, c’est à dire le récit de ce temps où il accepte non seulement de laisser traces, mais de les organiser. Organisation. Politique. Face au Pouvoir. Un organisme. Un organique. Face à l’absence de corps. Le pouvoir : est une absence de corps. Le pouvoir. Est une organisation sans corps luttant contre les corps. Luttant contre la vie des corps.

"Les véritables auteurs de ce film, bien que pour la plupart ils n’aient pas été consultés sur l’usage fait ici de leurs documents, sont les innombrables cameramen, preneurs de son, témoins et militants dont le travail s’oppose sans cesse à celui des Pouvoirs, qui nous voudraient sans mémoire." Le fond de l’air est rouge, Chris Marker.

Isoler des mots dans le texte d’origine. Isoler des mots dans les textes d’origine. Certains textes ont déjà été travaillés. Certains textes sont déjà écrits. D’autres non. Chaque texte, quelque soit son degré d’écriture : est une matière pour une écriture nouvelle qui les rassemblera, les travaillera au présent du temps de ce projet. 2009. POUR COMMENCER ENCORE. 2010. Isoler des mots dans le texte. Et à partir de ces mots, mener des enquêtes.

J’aime les mots que l’on peut toucher, dit-il. Une table. Une chaise. On ne peut pas toucher un symbole. Écrire avec ce que je peux toucher. Écrire avec ce qui touche. Avec ce qui me touche. Écrire pour toucher. Par le corps. Écrire. Pour réduire l’ignorance. Pour rejoindre le corps ignorant. Écrire. Dans l’écart entre : l’écriture muette et la parole. Lire La différance de Derrida. Écrire notre séparation d’avec la nature. Écrire dans le temps des machines. Écrire par le corps. Écrire la disparition de la matière. Écrire la présence de nos corps. Écrire la disparition. Vivre la mémoire. Être dans l’attention. Écrire la technique, la matière, la disparition, la mémoire, l’état de nature, le corps. Écrire, en répondant aux quatre questions. Comment es-tu arrivé ici. Pourquoi y restes-tu. Quoi t’en ferait partir. Et maintenant, tu fais quoi.

Si je me disais à moi-même toute la vérité, je n’aurais plus le courage de dire ‘’je’’, dit-il. Être cru. Quand on écrit. Être tout cru.

La question de l’événement, de la venue. 1968. 1989. 2001. Les anniversaires. Les commémorations. Se souvenir = ne pas vivre.

À qui écrire. À celle ou celui qui n’est pas là. À celle ou celui qui fut là. À celle ou celui qui vient.

Les maisons. Écrire les maisons. D’origine. Revenir mourir. À la maison d’origine. Un corps de naissance. Une maison de naissance. Un corps vivant. Une maison de mort. Ne jamais quitter la maison d’origine. Ton propre corps. Brûler. Le corps. Après la mort. Et que le vent disperse toute matière restante. Le patois. Non, pas toi. L’écrit, la langue, l’oral, le silence, la culture, la langue d’origine, orale, la langue du savoir, écrite. Elle écrit ton nom sur l’enveloppe, et dedans elle glisse un chèque. Tu remplis un chèque. Tu écris la somme d’argent, en toutes lettres, la somme d’argent, en chiffre, l’ordre, la destination, un nom, un lieu, la date, la signature, à la fin. La signature, toujours à la fin.

Trois mots. Trois accents. Écrire. À. Être.

Dieu : est le nom de celui par qui l’Autre meurt. L’Autre, en tant qu’il est l’inconnu. Dieu, en tant qu’il est le nom de ce qui vient expliquer l’inconnu, le défaire, le faire disparaître. Dieu, en tant qu’il est le nom qui vient répondre par son seul nom à la quête sans fin de l’origine et de ce qui vient. L’origine et ce qui vient, en tant qu’inconnaissables. La mort de Dieu : ouvre l’accès à l’autre, pas à l’origine. L’autre : est l’impossible corps de connaissance de l’origine. L’autre : est ce qui vient.

"Ce que tu désires être, tu finiras par le devenir."Oscar Wilde, Enrique Vila-Matas, Marc Perrin. Écrire mon nom à la suite ne signe que la suite.

Chaque jour je rejoins aujourd’hui en passant par hier. Chaque jour je me défais. De jour en jour : je me défais de celui qui vient de naître. Par une naissance nouvelle. De jour en jour, je me défais de l’obsession de la naissance. De jour en jour je constate à quel point il est encore à nouveau nécessaire de m’en défaire. De jour en jour je comprends que c’est de l’enfance que je me défais. Non de l’enfant. L’ipséité, cet étrange mot, dirait peut-être ceci : l’enfant dans, et par lequel, mon être perdure.

Ceux qui ne calculent pas. Comment elle ne ment pas. Donner toute ma confiance. M’abandonner à.

Hier. J’écris au marqueur sur un carton les mots suivants. J’ai 3 enfants je suis sans ressources sans travail donnez-moi s’il vous plaît une petite pièce pour vivre merci beaucoup. J’écris ces mots en lettres majuscules. Je les recopie. Elle s’appelle Daniela Opréa. Elle les a déjà écrits, mais avec quelques fautes, elle me demande de les réécrire. Je réécris les mots. Je les écris. J’écris j’ai 3 enfants je suis sans ressources sans travail donnez-moi s’il vous plaît une petite pièce pour vivre merci beaucoup. Elle me remercie. Que Dieu te protège, toi et ta famille. Elle demande que je lui achète du jambon. Je lui demande son nom. Elle l’écrit dans le carnet que je lui tends. Opréa Daniela. Je lui dis que je suis écrivain. Je dis vous savez je suis écrivain c’est mon métier. J’écris dans les deux langues. Celle que nous partageons. Celle en nous que nous ignorons et par laquelle il nous est nécessaire de passer. C’est elle que nous devons traduire en celle que nous partageons. Elle est roumaine. Se parler, s’écrire. En apprenant la langue de l’autre. Elle ne comprend pas. Elle me montre des calmants qu’elle prend. Une boite. Elle dit qu’elle dort dans une tente. Qu’elle dort mal, qu’elle est très fatiguée, qu’elle a trois enfants. Je lui demande si elle voit un médecin. Elle dit oui. Elle dit que Dieu te protège toi et ta famille. Je lui dis à bientôt.

Je fais le travail. Faisant le travail que je fais, là, écrivant, je fais quel travail.

La frontière. Délimite deux territoires. Et ma vie s’est poursuivie de telle côté de la frontière et non de l’autre. Le bouleversement de ma vie du fait d’avoir poursuivi de ce côté et non de cet autre. L’inconnu de cela qu’eut été cet autre. Ce que je sais qui n’aurait pas eu lieu est précisément ce que j’ai vécu. Le vertige de penser que je ne connaîtrai aucun d’entre vous, aujourd’hui, si ma vie s’était poursuivie de l’autre côté de la frontière et non de celui-ci là où elle se vit aujourd’hui jusqu’à vous. Comment le choix s’est-il fait qui a fait que ma vie s’est poursuivie de telle côté de la frontière et non de tel autre. Le choix s’est fait racialement. C’est vers les français blancs chrétiens et avec eux que ma vie s’est poursuivie. L’appartement dans lequel nous vivions était dans une zone traçant une frontière entre deux territoires. Une vie tout entière se vit sur une frontière sans cesse au risque d’une guerre. Le risque de la guerre est l’autre nom de l’amour. Pauvres contre riches. Communistes contre chrétiens. Hommes contre femmes. Autochtones contre étrangers. Ne pas essayer de tout lier. Essayer de tout lier.

Écrire sous forme de lettres adressées à un tel ou à une telle. Le père écrit à son fils alors qu’il est à guerre. Le père écrit à son fils alors qu’il est en voyage. Le père écrit à son fils alors qu’il est au travail. Moi le père écrivant à l’enfant.

Écrire à ceux qui ne sont plus. Écrire à ceux qui ne sont pas. Écrire à ceux qui sont loin. Marcher vers l’inconnu. Écrire. Les jours où tu as vécu sans moi. J’ai tout à dire. Je ne suis pas prêt de repartir.





19.11.08. Poste d’observation, à vue. Je suis à vue. Je vois, je suis vu. Je suis assis. Je ne bouge pas. Je regarde. Je suis assis dans un hall public. Je reste assis sur la chaise. Je reconnais certains corps. Certains visages. Certaines personnes. Je salue. Je dis bonjour. Je dis à plus tard. Je reconnais. Je n’appelle pas. J’attends qu’on me voit. Si on me voit je salue. Si on ne me voit pas je n’appelle pas, je regarde. Je ne bouge pas. Je suis là sans bouger. Un temps. Je me lève. Un temps. Je me déplace. Je vais voir le spectacle.

Comment oser prendre la parole sur une scène si l’on a rien de la vie à défendre. Comment oser prendre la parole pour dire l’état de mort du monde actuel sans dire la vie et la force qui nous porte et le pari de vie encore que nous faisons. Dans l’insensé chaque jour grandissant d’oser faire ce pari. Comment oser prendre la parole pour un constat de la mort sans pari pour la vie. Comment oser prendre la parole par la jouissance de la mort. Je suis prêt à entendre l’apologie du suicide : par celle ou celui ou ceux qui sauront m’en donner à entendre sa force intempestive agissant dans le temps de la vie même, aujourd’hui. Je suis prêt à croire à tout acte d’amour aussi insensé soit-il. Je ne tolèrerai plus aucune jouissance à dire l’incapacité et à faire d’elle une force de mort. Je prends la parole pour chaque jour faire en moi reculer celui qui est mort.

Le même e(s)t différent. Le peuple EST au présent. Lécher les morts. J’étouffe. J’étouffe en sous sous-sol, j’étouffe en sous-main, j’ai tout fait, personne jamais n’en a rien su. Une brute. Un enfant. Un corps de brute. Qu’est-il devenu. La prime Sarkozy. 18 euros pour les pauvres. L’homme dans le supermarché, avant-hier. L’homme dans le supermarché, hier. Parle tout seul. Incompréhensible, sauf quelques mots. Le retrouver dans sa voiture, seul. Fait chauffer le moteur de sa voiture. Passe du temps dans sa voiture, devant l’immeuble où il habite. Ne pas rester enfermé dans l’appartement. Descendre pour lire le journal, sur le petit muret, en face, de l’autre côté de la rue. Faire du vélo. Ne pas rester seul, chez soi. Devenir fou. Parler tout seul. Être incompréhensible. Débile. Idiot. Crétin. Pauvre. Seul. Délirant. Monologue dans la rue. Boire la bière qu’il vient acheter après sa journée de travail. Le chômage. Sixième jour de l’année qu’il travaille. Il a travaillé six jours dans l’année. La prime Sarkozy. A augmenté de 18 euros. 220. 240. C’est pour les pauvres. Il répète c’est pour les pauvres. Je le regarde. Il détourne les yeux. Il continue de parler, seul. Quand je le regarde il détourne les yeux. Plus jamais la gloire ne viendra. Je ne lui parle pas. Une parole de lui à moi. Je le regarde sans lui parler. Il détourne les yeux. J’attends qu’il me parle. Il détourne les yeux. Il parle seul. À personne. Tout le monde entend. Une caissière lui répond. Ça y est. Quelqu’un vient de lui parler. La brute, l’attaché culturel à l’ambassade américaine à New-York, et l’écrivain : tous les trois dans leur corps de 10 ans, face au même tableau sur lequel chacun décrypte la même équation à résoudre. Solution trente en plus tard, à 10h50, aujourd’hui. Ça commence à chaque mot. À chaque mot nouveau. À chaque nouveau mouvement qui ouvre. À chaque mot qui répond à un chiffre.





20.11.08. Que tout soit repérable. Retrouvable. Reconnaissable. Le même. Quand tout est non-repérable. Inconnu. Autre. Tout ?

Il n’y a de l’intime ici que ce que tu en dis. Ce n’est pas en posant les questions que tu auras les réponses. La question : c’est la place de ton regard : quelque que soient les faits. Et. Ça te glace, oui. Quelque chose. Te glace.

Par lequel. Tu viens. Par. La ténacité. Par. L’insistance.

Et sans craindre de parler cent fois pour ce que je crus d’abord être pour rien, pour personne, et en vain. Pour dire ce qui vient. Pour dire l’impossible. Pour vivre le mouvement de l’impossible = mouvement de vie et d’aucun renoncement. Voilà pourquoi je reste ici. Et ce qu’il y a : me va : dès l’instant où le regard que je pose sur le monde est le mien, dès l’instant où j’écris le récit par mon regard, le récit de ce que je deviens. Je. Marche vers le supermarché. M’arrête au rayon boucherie. Boucher me découpe une tranche. Mon morceau. Préféré. Manger. De l’animal. Mort. Mon plat préféré. Bien saignant. J’aime ton goût. Ta texture. Je te connais de vue. Tu es un employé. Du supermarché. Je vais te poser. Les quatre questions. Comment. Pourquoi. Quoi. Et maintenant. Je veux connaître ta réponse. Non. Je veux t’avoir posé la question. Oui. Je vais être allé frapper aux portes de chaque résident de tous les immeubles de la ville. avant de la quitter. Ce n’est pas ta réponse qui m’intéresse. C’est l’inconnu du savoir, en toi, lorsque ma réponse, est en toi.

"Un savoir est un maintien de l’ordre." Vivre Poème. Meschonnic.

Un rendez-vous dans le même bar qu’il y a deux jours. Un bar pour tes rendez-vous. Une baie vitrée donnant sur la place. Une table devant la baie vitrée avec vue sur la place. Une table en retrait. Des rendez-vous. Des hommes et des femmes dont tu finis par connaître des fragments de l’histoire. Elle a vécu dans la ville où tu es né. Huit jours plus tard, elle te présente le père de sa fille. L’expression ‘’le père de ma fille’’. Il faut être loin, et parti, pour connaître l’envie du retour. Le refus du retour. Il faut être à distance. Pour pouvoir. Voir. Ils ont quatre enfants, et tous les six ils pensent à construire une maison en paille. Est-ce que nous vivons le temps de la fin de notre espèce. Quarante pour cent de fertilité en moins depuis dix ans. Disparition de la conscience de vivre ensemble, de former un groupe d’hommes et de femmes appartenant à une même humanité. Sauf : dans les supermarchés. Dans les supermarchés nous sommes ensemble. Disparition de l’humanité. Manger de l’animal mort. J’ai tué mon père, j’ai mangé de la chair humaine, et je tremble de joie. Ce que n’a pas réussi à accomplir au 20ème siècle. L’anéantissement de l’humanité. Y assistons-nous en ce moment. Passivement. Activement. Deux voies s’ouvrent à nous. La voie de la mort enfin réalisée. Ou la voix de l’homme enfin affirmé. Une langue nouvelle à inventer nous manque pour parler d’aujourd’hui. Nous l’inventerons dans les trois années qui viennent.





21.11.08. Départ pour Clermont-Ferrand. En voiture. Halte à Angers. Halte à Tours. Des librairies. Les libraires. L’accueil. Un réseau de connaissances à travers le territoire. Des rencontres réels. Aussi brèves soient-elles. Quelques minutes d’échange. La conversation. Le commerce. Une danseuse. Des rendez-vous pris pour une autre fois. Pas aujourd’hui le bon moment. Savoir désormais à qui t’adresser. Comprendre mieux ce que tu veux. Le possible : est dans l’après. Le possible : refuse le présent. Le possible : est après : ce qui a eu lieu. L’impossible : est un éternel ami : qui ouvre à ce qui vient. Tu es patient. Tu es confiant. Tu n’attends pas UNE réponse. Tu ouvres des portes. Tu n’attends plus LA réponse. Tu la formes. Tu ouvres les portes par lesquelles ton corps trace un chemin. Au présent. Tu entends la voix de Georges Bataille. Tu écoutes une vieille cassette audio. Dans la voiture. Tu entends les mots ‘’un des penseurs’’. Tu traduis : un dépenseur. Dépenser. Défaire la pensée. Dépenser. Dépeupler. Le dépeupleur. Le dépenseur. Faire honte : à quelqu’un. Ou : porter le malheur sur ceux qui rient. Rien de pire, dit-il. Conférences sur le non-savoir. Cir-conférence. Cir-confession. Derrida a-t-il écrit avec Bataille ? Avec Blanchot oui mais avec Bataille ?

Un père vient à l’aide de son fils. Un père qui a voulu renier son fils entend son appel au secours, et y répond et ainsi défait le reniement. Défaire le reniement. Reconnaître enfin son fils. Enfin l’adopter. Enfin lui dire oui.

Une sieste. Une aire de repos. Une autoroute. Ne pas entrer dans la ville de Bourges. Pas aujourd’hui.

Arriver à Clermont-Ferrand. Manger avec mes parents. Dormir à Clermont-Ferrand.





22.11.08. Fin du repas. Le téléphone sonne. Olivier qui rappelle suite à l’e-mail de ce matin. Quitter la table. Aller dans une pièce, à l’écart. Ouvrir la fenêtre, parler dehors. Parler. Raccrocher. Rejoindre la table et boire le café. Rejoindre la chambre et faire le tri dans l’armoire. Jeter les vieux vêtements. Jeter. Garder. Je t’ai gardé contre mon cœur toute une année. Puis je t’ai. Jeté. Christian répond à l’e-mail de ce matin. Spinoza. Nietzsche. Le grand oui. Les vieux journaux. Les vieux magazines. Savoir ce que tu jettes et pourquoi tu jettes. Savoir ce que tu gardes et pourquoi tu gardes. Signe que tu es en vie. Re-garder. Au contraire : signe de la mort : jeter, sans savoir pourquoi, garder, dans la peur de perdre.

Livraison du champagne chez Claire. Deux caisses. Vingt quatre bouteilles. Elle évoque à nouveau sa venue à Nantes l’an dernier à l’occasion de la Biennale d’art contemporain. Nous buvons de l’eau pétillante. Nous l’invitons à venir mercredi soir. Qui ça, nous ?

La nuit. La neige. Mon père qui conduit. Moi assis à ses côtés. Ma mère derrière. Ne pas mourir ensemble.

L’ami d’enfance. Son travail. Son travail avec d’autres. La naissance d’un siècle. Le récit d’un siècle, par le récit de la vie d’un corps ayant vécu dedans, à la foi hors de, et dedans. Dire : aujourd’hui. Faire le récit de la séquence 1968 jusqu’à aujourd’hui. Faire le récit d’une marche vers la mort, et contre tous les indices : parier sur la vie. Faire le récit du surgissement de la vie, de la violence du surgissement de la vie, de sa répression, de sa mise au pas, de sa négation, de sa destruction. Faire le récit d’une voix qui se veut en vie et sait ne pas être seul. Faire le récit d’un corps qui travaille à vivre : c’est ne pas être seul. Faire le récit de l’utopie communiste, de sa trahison, de sa nécessité vivante et actuelle. Faire le récit de la négation de l’homme et du combat pour encore oser dire oui à l’homme.





23.11.08. Dans la chambre au fond du couloir à droite qui ne fut jamais la chambre d’enfance. Clermont-Ferrand. Vu hier soir Noveccento mis en scène par Patrick. L’histoire d’un homme qui n’entre pas dans l’histoire. L’histoire d’un homme qui n’entre pas dans le réel de la vie confrontée à la violence de l’histoire. Et une promesse qui ne s’attend plus à ce qu’elle attend : là où tendu vers ce qui se donne à venir, je sais enfin ne plus devoir discerner entre la promesse et la terreur. Les derniers mots du Monolinguisme de l’autre. Le réel, comme le présent dans lequel la présence est. Le réel, comme étant la présence de tout ce que je ne suis pas, au présent de ma présence dans lui. Répondre aux quatre questions. Chaque jour. 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23. Vouloir répondre des jours passés. Ne pas répondre pour [à l’attention de, à la place de] hier, mais pour aujourd’hui. Tutoyer l’inattendu. L’inconnu. Tant que le rapport vécu s’énonce, tant que je tente de l’énoncer, tant que je travaille à l ‘énoncer, quelque chose de la vérité est en train de vivre. L’événement = le présent absolu. L’absolu = l’insaisissable. L’insaisissable = celui qui ne veut pas le pouvoir. Mon père. Moi. Je veux écrire l’origine. Je veux décrire l’origine. Je veux être celui qui voit venir l’événement et qui le vit. Le veux entendre le verbe au présent. Je veux détruire l’ordre du possible. Je veux remplacer le verbe détruire par le verbe jouir. Si le savoir est un maintien de l’ordre, la connaissance est sa mise en danger. Je veux inventer une fiction qui sera le cadre par lequel pourra tenir TOUT CE CHAOS. Je veux défaire la comédie de la naissance des dieux. Ce travail reste à faire. Avoir énoncé la mort d’un dieu, l’avoir tué, n’a rien défait quant à la comédie de son existence, quelque soit devenue sa forme. N’a rien défait de la volonté des femmes et des hommes d’être dans la soumission à un dieu plutôt que de vivre leur vertige. Je répare la falsification. Rien n’est réparable. Tout est à construire. Je traque une vérité enfouie, ou plus bêtement : enfuie. Bêtement, comme une bête traquée. Je traque le chasseur qui me traque. J’inverse l’ordre des choses. Je cherche un ordre ouvert et qui respire. Marc Perrin est né en. Il vit à. Il vit et travaille à. Ecrire. Au présent. Dans le néant. Il vit et travaille à. Vivre le plaisir. Un corps. La sensation, le corps. Le geste, le corps, d’écrire, la main, le stylo, les doigts qui tiennent, les objets, un corps anime le monde. Chaque monde anime un corps. Animal de ton corps, ta vie, ta pensée. L’existence des claviers, des écrans, modifie l’usage que nous faisons de nos corps. Saisissons-nous différemment les corps aimés depuis que nous utilisons des claviers et des écrans pour écrire.

Des itinéraires pour accéder à des maisons. Aller à Moulins. Imprimer l’itinéraire. Y aller seul. Arriver dans une maison où tous les ancêtres autour d’une table m’attendent. Arriver dans une maison où tous les ancêtres autour d’une table doutent de ma possibilité de trouver le chemin de la maison. Savoir lire une carte est un jeu d’enfant. Les ancêtres ont peur pour l’enfant. Les ancêtres veulent étouffer l’enfant. Les ancêtres veulent étouffer le jeu. Les ancêtres perdurent dans le maintien de l’ordre. Le jeu de l’enfant est un danger pour le maintien de l’ordre. Un jeu de carte. Une cartographie. Un monde. Le nôtre. Le mien. Il y a. Un seul monde. Et les morts y demeurent avec les vivants. Récit. D’un accès au monde. Récit : ce qui nous sépare, e[s]t ce qui nous réunit.

Ne pas partager une réponse, dans le sens où chacun ferait une demi-réponse pour à deux en former une. Vouloir autant de réponses que nous sommes. Les vouloir pleines et entières, chacune. Et chacune avec. Toutes les autres. Seul, je suis néant.

La différence entre pro et praé. Pro, pour dire devant, mais encore en lien. Praé, pour dire devant, mais le lien est rompu, la séparation a eu lieu. Vérifier. La présence n’est pas une qualité ou une propriété de la chose. La présence est l’acte par laquelle la chose est mise devant : prae-est.

Un fruit de ma peur fuyant l’ignorance. Le fruit né de la peur et nourrit par elle affronte l’ignorance. Ne pas apprivoiser, mais comprendre. Comprendre la nécessité de s’ouvrir au sens d’un mot. Au sens. J’ai le temps. J’ai ce luxe. Rien ne me presse. Je suis.

Chacun sa route. Chacun son heure. Chacun sa voiture. Appeler le père du fils et trouver dans la parole du père une parole apaisante. Avoir confiance en la parole du père. Penser au fils. Imaginer sa souffrance. Savoir qu’il vit dans cet appartement où moi-même j’ai vécu il y a vingt ans. Imaginer l’homme qu’il est aujourd’hui. Imaginer seulement la souffrance et la honte qu’il a de devoir demander secours à son père. De devoir dévoiler la vérité de quel mensonge à son père. Chacun sa route. Chacun son heure. Je rejoins mes parents à Moulins pour un repas de famille. L’itinéraire. La parole de mon père. Le plan sur internet. Ah tu as trouvé. Le repas. Jean-Claude. Si tu rejoins une amie à plus de deux heures de route est-ce que c’est forcément pour coucher avec elle. La frustration du désir maintenant que tu vis dans cette maison que tu as a participé à bâtir mais sans savoir en posant la première pierre que c’était ta propre tombe que tu allais bâtir. Partir à 16h00 plutôt qu’à 15h00. Prendre un peu le temps. Un peu.

La route. La nuit. La neige. Une aire de repos. Dormir une demi heure. Arriver à Lyon. Soirée avec Gislaine et Alain. Aider à préparer le repas du lendemain midi. Manger. Parler. Dormir.





24.11.08. Lyon. Villa Gillet. Des comédiens. Des metteurs en scène. Une dramaturge. Un écrivain. Lecture de trois textes. Manger tous ensemble à midi. Patrick à mes cotés. Une jeune dramaturge. Une association. Une compagnie. Des traductions. Traduire. Un exil. Un mur. Un enfermement. Une désertion. Défaire. Un exil. Un mur. Un enfermement. Une désertion. Ecrire. Le chemin. La faille dans. La chute du. La libération. L’engagement. Ne pas demander une adresse. Ne pas oser demander une adresse. Ne pas oser demander. Regretter. Le dégoût. Du regret. Boire un verre. Place des Terreaux. Une comédienne. Un metteur en scène. Un comédien. Une metteur en scène. Une comédienne. Un écrivain. Un musicien. Le peuple manque. Faire la vaisselle. Parler. Patrick. Alain. Attendre Gislaine. Manger tous les quatre. Parler.

Alain va se coucher. Gislaine. Patrick. La colère, comme force de vie. Je parle peu. J’écoute. Gislaine, Patrick. Ils se parlent. Je n’ai rien à dire dans ce qu’ils disent. J’écoute. Je ne connais rien à ce qu’ils disent. La réalité de ce dont ils parlent, je ne la connais pas. J’écoute. Je ne peux qu’écouter. J’écoute la colère. Est-ce que je ne la connais pas. Patrick reprend la route. Je vais dormir.





25.11.08. Un péage. Les douaniers. Un contrôle. La couleur de ma peau. Blanche. Vous contrôlez qui. Vous arrêtez qui. On arrête toute sorte de personnes. Des gens en Mercedes, des blancs, des pas-blancs. Comment il dit : pour dire arabe, maghrébin, noir, jaune, comment il dit pour dire les pas-blancs. Moi je suis blanc chrétien français, je roule dans une 205 immatriculée dans le département 44, je suis seul dans ma voiture, il est 10h00, je suis sur une autoroute entre Lyon et Clermont-Ferrand, je ne corresponds pas exactement aux critères de normalité, je mérite le contrôle. Trois douaniers. Je parle avec l’un des trois. Les deux autres fouillent. À la recherche de drogue, d’arme, d’argent. Les deux autres fouillent dans mes affaires. Les deux autres fouillent dans l’intimité d’un autre. Je dis au douanier ça doit faire bizarre au début d’entrer comme ça dans l’intimité des autres. Il dit oui mais très vite non. C’est un métier. Drogue, arme, argent : quoi peut mettre en danger un ordre établi. Des préservatifs. De l’argent. De la résine de cannabis.

Patrick. Chez lui. Point de départ. Lire les notes écrites l’an dernier en novembre. Lire une partie des notes. Le début. Manger ensemble. Parler. Lire. Aimer quand il parle concrètement. Quand il dit qu’il va faire, ce qu’il va faire, là : je sais son envie. Les idées qu’il énonce, je n’y crois pas, elles sont vagues, abstraites, immenses, insaisissables, elles ne disent rien, ne donnent pas, elles flottent, sont flous, je n’entends pas que c’est lui qui me parle. L’action qu’il annonce et la vie et l’envie de vie que j’entends : là oui j’y crois. La joie de ce qui nous manque quand l’autre le donne. La joie de ne plus chercher à répondre du manque de l’autre.

Mort de Jean Rome il y a quelques semaines. Il n’y a plus de librairie indépendante à Clermont-Ferrand. Je vais à la librairie les Volcans. Le petit-chef, l’oppression. Les employés qui baissent l’échine et qui souffrent. Le petit-chef qui dit c’est pas moi c’est les ordres on n’a pas le choix. Et à titre individuel, vous n’avez pas le choix ? Une société tout en entière au service de l’aliénation de l’individu. Défense du seul individualisme et de sa solitude morte. Guerre faite à la solitude vive, à toute liberté qui pourrait mettre en péril l’aliénation générale. Le petit-chef exécute. Les employés exécutent. Ils tirent sur les cadavres qu’ils sont déjà. Ils oublient les vivants qu’ils sont encore. Souffrance générale.

Patricia. Son lieu de travail. Nous allons boire un verre. Dans le même bar que l’an dernier. Le même bar dans lequel nous buvons durant toute une nuit, il y a vingt ans. Un restaurant iranien, aujourd’hui. Une soirée avec Patricia.





26.11.08. Dedans, est-ce que c’est la mémoire ? C’est quoi la mort c’est quoi le passé mort. C’est par le vivant du corps au présent que le passé cesse d’être une masse morte dedans et devient mémoire, c’est-à-dire partie [non pas en allée] mais partie [faisant partie] de la vie. 10h00. Clermont-Ferrand. Chez le notaire. Le savez-vous ? Après un héritage, investir des capitaux reçus sans précaution particulières peut entraîner une nouvelle imposition. Position. Déposition. Exposition. Imposition. Vous acceptez la donation ? Oui. J’ai tout fait d’un coup. J’étouffais, d’un coup. Un meuble télé à l’épreuve de l’ennui, dit l’affiche publicitaire.

Clermont-Ferrand. Le bar d’O. Rendez-vous avec tes parents dans une demi-heure après être passé chez le notaire avec eux. Donation de la maison de Chantelle. Vous acceptez la donation ? Oui. 13 novembre 1998, donation du studio de la rue des Archives. 26 novembre 2008, donation de la maison de Chantelle. Mon père, ma mère, et moi. Mon père dit moi je suis le chauffeur, je me mets à l’écart. Je dis non tu n’es pas le chauffeur tu es mon père. Ma mère dit je l’appelle le régisseur de la maison de Chantelle. Je dis moi je l’appelle mon père tu es mon père. Tu es né le 16 novembre 1937. Ce soir, nous fêterons ton anniversaire et nous fêterons le mien aussi, avec tous vos enfants. Avec la fiction de tous vos enfants. Patricia, Patrick, et moi. L’adoption. Le philosophe.

Les notes dans le carnet. Les jours où rien ne fut écrit. Non pas : rattraper le temps perdu. Mais rejoindre le présent. Oui. L’impossibilité de dépasser le présent. Ce serait quoi dépasser le présent. Un acte dans le présent dépassant le présent. Le présent ne peut que penser à ce dépassement du présent. Quoi mettre en place et comment agir au présent dans un acte tendu vers ce dépassement du présent.

"Celui qui écrit […] tend la main comme un aveugle pour chercher à toucher celui ou celle qu’il pourrait remercier pour le don d’une langue, pour les mots même dans lesquels il se dit prêt à prendre grâce. À demander grâce aussi.

Cependant que l’autre main cherche, plus prudente, une autre main d’aveugle, à protéger contre la chute, contre une chute prématurée, la tête la première, en un mot contre la précipitation. Depuis longtemps, je dis qu’on écrit des manuscrits pour deux mains. Et je digitalise comme un fou. " [Le monolinguisme de l’autre, Derrida.]

Retrouver la chronologie la plus simple. À l’intérieur de laquelle laisser [re]surgir le passé. L’écriture EST le présent. La mémoire VIT au présent.

Ils vont arriver à quelle heure monsieur vos amis ? À midi et demi. Chers parents. Chers amis. Ne pas prendre la peine de tout préciser. Ne pas prendre la peine de tout corriger. Je n’ai pas rendez-vous avec des amis, j’ai rendez-vous avec mes parents. Nous allons célébrer la donation de la maison de Chantelle avant de célébrer ce soir l’anniversaire de nos venues au monde. Nous allons célébrer [oui, j’accepte la donation] la signature du contrat implicite pour une fin de vie dans la maison où le dernier des deux survivants de mes parents ira mourir. La maison où le dernier des deux survivants pense pouvoir aller mourir comme ont pensé pouvoir y mourir le père et la mère de ma mère. Seule la mère de mon père est morte chez elle. Seule la mère de mon père est morte heureuse. Réconciliée. Penser : à la possibilité que ce soit mon père qui se retrouve seul dans cette maison. Déplacer. Déborder. Déporter. Certains mots sont envahis par l’Histoire. L’impossibilité d’employer le verbe déporter sans convoquer l’extermination du peuple juif. La confiscation de certains mots par l’impensable réalisé. Non pas impensable : mais impensable en tant que réel possible. Et pourtant ce fut. Il y a des lieux où l’impensable a pris corps et a défait les corps. Il y a des lieux où l’événement s’est déployé par la destruction, par l’extermination, par la négation. Les lieux où l’événement s’est déployé par la naissance et l’affirmation les regardent. Plein de larmes, pour certains. Dans la colère ou muet, pour d’autres. L’événement ne vient jamais seul. Toujours où il surgit dans un rapport. Libération de la vie, émancipation. Libération de la mort, destruction. N’essayons pas d’être d’accord.

Lascaux. Bataille. Platon. La Grotte. La caverne. ‘’Qu’y a-t-il là-bas au fond ? Ça, je l’ignore. Qui est là ? Ne vous cachez pas, sortez de là. Ce sont des dessins. Des fresques. Il paraît que les premiers graffiti humains, on les trouve sur les parois des grottes. Le soleil n’a jamais pénétré dans cette grotte, depuis les débuts de l’humanité. Des chevaux, des mammouths, des rennes, des ours. On dirait qu’ils sont vivants. Les hommes de la préhistoire savaient que leurs dessins s’animaient à la lumière tremblotante d’une flamme. Ils ont gravé ces images dans la roche pour laisser une preuve de leur existence. Qui êtes-vous ? Une image ? Il n’y a pas que des dessins gravés sur ses parois. ‘’La journée que l’on choisit de passer seul volontairement est aussi longue qu’une année d’exil.’’ Qu’est-ce que c’est ? Mon frère. Mon petit frère a copié ça au lycée, dans un recueil de morceaux choisis. Vous devriez dessiner quelque chose vous aussi. Quelque chose que vous avez perdu. Dessinez-le sur le mur.’’ Le grenier. Yôji Safate. Je prends la parole.

Interruption. Tes parents entrent dans la brasserie. Tu offres le livre de Atiq Rahimi à ton père. Ils viennent de l’acheter ensemble. Vous mangez ensemble tous les trois. Tu demandes à ton père c’est quoi ta maison d’origine à toi, quand tu penses à chez toi, tu penses à où.

Je ne le demande pas comme ça. Je dis c’est quoi ta maison d’origine. Il répond. C’est la maison où il a passé le plus de temps. C’est la maison où il est revenu voir ses parents quand il ne vivait plus avec eux. C’est la maison où vivaient ses parents quand je suis né. C’est la maison où ses parents ont fini leurs jours. C’est la maison où sa mère est morte heureuse. Mais quand tu penses à ‘’chez toi’’, tu penses à où ?

Patrick. Dans la chambre au fond du couloir à droite. Lecture des textes Chant neuf écrits le mois derniers.

Une sieste.

Patrick, Christine, leurs enfants, mes parents, Patricia, Olivier, Claire. Champagne. Repas. Double anniversaire. Noël de substitution. Les amis. La famille. Ces amis-là précisément. En quête de famille. D’une famille autre. Et nous : de même. Est-ce que tous nous voulons une famille autre. Est-ce que tous nous voulons défaire par ce désir d’autre l’impossible maîtrise passée de notre origine. Un cadeau. Un cartable. Un cartable en caoutchouc. En pneu. Très beau. Très lourd. Chère Patricia, cher Patrick, qui êtes-vous aujourd’hui pour moi. Plus seulement des amis assurément. Une sœur et un frère d’adoption fruit d’un quintuple désir. Et de chacun de vous. Et de chacun de nous.

Autour de cette table nous sommes dix. Et autant de désir que de corps. Et une seule table. Combien de lits.





27.11.08. Le départ. La route entre Clermont-Ferrand et Nantes. Un arrêt à Bourges. Des librairies. Des libraires. Une librairie. La bibliothèque de l’école des Beaux-arts. Un restaurant asiatique. Manger seul. 14h00. Une exposition à la médiathèque de la ville de Bourges. Reprendre la route. Ecouter la radio. Ecouter les vieilles cassettes. Entendre certaines phrases. La poésie, c’est l’existence libre dans l’instant. Bataille. L’amour absolu. Jarry. Nous sommes grammaticalement immortel, dit Michel Arrivé. Grammaticalement, il existe de quoi différencier le féminin et le masculin, mais pas le vivant et le mort. Écouter une émission consacrée à une molécule dite controversée. La DHEA. Un miroir aux alouettes. Un reflet des possibilités accrues de la médecine. La DHEA a cristallisé au tournant de l'an 2000 espoirs et polémiques avant de retomber dans un silence qui n'empêche pas des centaines de milliers de personnes en France et des millions de personnes dans le monde d'en consommer quotidiennement en espérant ainsi retarder les effets du vieillissement. La passion dans laquelle a été prise la DHEA ne provient pas seulement de la façon dont on a voulu lui faire réécrire le pacte de Faust mais tient en partie à la carrière et à la personnalité de son premier défenseur le professeur Etienne Emile Baulieu inventeur de la pilule RU 486. La DHEA a été le point de rencontre du mythe intemporel de la fontaine de jouvence et d'une réalité démographique contemporaine dont nous n'avons pas fini de mesurer les conséquences. L'accroissement de la longévité au cours du vingtième siècle avec un gain de près de 25 ans d'espérance de vie à la naissance dans les pays industrialisés est en effet le fondement principal du succès de la DHEA. Quels que soient ses effets réels.

Aire de repos. Autoroute. Dormir une demi-heure. Reprendre la route. 19h30. Arriver juste à temps pour la lecture de Jacques Demarcq. Frédéric. Guenaël. Soizic. Magali. Alain. Grenadine. Bernard. Jean-Pascal. Ceux à qui tu dis bonjour. Ceux que tu embrasses. Ceux que tu salues sans même leur serrer la main. Ceux à qui tu dis seulement au revoir. Ceux que tu connais. Ceux que tu ne connais pas. Ceux que tu vas revoir. Ceux que tu quittes sans savoir si tu les reverras. Ceux que tu n’as pas vu. Jamais. Rentrer chez toi. Le retour. Te retrouver seul. Te dire ici c’est chez moi.





28.11.08. Dire la vérité, et faire le bien, dit-il. Le vrai, et le bien.

Reprise des notes. Je reprends la parole. Reprise de la parole. Je prends la parole. Je la reprends. Comme on reprise une vieille chaussette. Il y a ce trou dans la parole pour lequel je tisse, fil à fil, bord à bord. Je répare, quoi que je dise. Je ne jette pas la vieille chaussette. Elle est encore utilisable. Celle-là, oui. Celle-là, non. Je jette. Je garde. Je continue. J’écris dans les trous. Je tisse de trou en trou des pièces que je relie par le temps. Je jette des vieux journaux. Clermont-Ferrand. Il a pensé être photographe. Il a pensé être cinéaste. Il a pensé. Il n’a pas fait. Aujourd’hui, je jette les magazines d’alors qu’il achetait. Technique photographique. Ce ne sont pas les machines en premier lieu qui importe, mais bien ta capacité à savoir t’en service : c’est-à-dire : comprendre, travailler à, comprendre, ce que tu traques. Je. Traque. Le présent absolu. Je. Trace. Dans le temps. La trace. Est la matière du temps.

"La poésie, avant d’être le nom d’un art particulier, est le nom générique de l’art. Tekné poiétiké : technique productrice. Cette technique, c’est-à-dire cet art, cette opération calculée, ce procédé, cet artifice produit quelque chose non pas en vue d’autre chose ni d’un usage, mais en vue de sa production même, c’est-à-dire de son exposition. La pro-duction de la chose met la chose en avant, la présente et l’expose.

Exposer, c’est sortir de la simple position, qui est toujours aussi déposition, abandon à la contingence d’un moment passager, d’une circonstance et d’un point de vue. Ce qui est exposé est placé dans l’ordre de la présence absolue, immuable et nécessaire. Le mot poeisis provient d’une famille verbale qui désigne la mise en ordre, l’arrangement, la disposition. La poésie dispose. L’art est disposition. Il dispose la chose selon l’ordonnance de la présence. Il est la technique productrice de la présence.

La présence n’est pas une qualité ou une propriété de la chose. La présence est l’acte par lequel la chose est mise devant : prae-est." [Technique du présent. Jean-Luc Nancy.]

Je prends la parole pour la donner avec une violence qui excède la possibilité que j’ai de la donner sans objet intermédiaire. L’écriture, quelque soit l’écriture, est cet objet intermédiaire. Je prends la parole pour la donner à l’autre avec une violence qui excède la possibilité que l’autre a de la recevoir sans objet intermédiaire. La lecture, quelque soit la lecture, est cet objet intermédiaire.

Je parle pour les morts. Je parle de, pour, et depuis MES morts. À quels morts j’appartiens. De quels morts suis-je le descendant. De quels morts je me sens être le descendant. Quels morts je me choisis. De quels morts je continue la vie. De quels morts, et de quelle vie, je réponds. Quels sont les morts-mémoire par lesquels je m’autorise à prendre la parole. L’auteur de mes jours : est la mort de laquelle (à laquelle) je réponds.

Tu affirmeras un jour qu’il n’y a pas à répondre. Il y a : à affirmer. Tu oublieras ce jour-là que la mort est le seule événement non encore venue auquel chacun de tes chers petits pas dans chaque instant de ton cher petit présent : répond.

Lever les secrets anciens. Lever le poids de l’ancien. Les secrets anciens aujourd’hui ne pèsent plus. Ils étaient pesants : c’est leur poids qui les a fait devenir secrets. Ils ne pèsent plus aujourd’hui. C’est l’habitude qui leur a gardé leur statut de secrets. Je veux libérer les secrets de l’habitude. Ils pèsent dans le présent. De ‘’présent’’ à ‘’pèsent’’, un air tombe - ou vient, selon le mouvement que l’on opère -, et l’accent de grave passe à l’aigu, ou de l’aigu au grave. Par les nerfs. La question du grave et de l’aigu dans Le Méridien de Celan. Une libération par la parole. Le secret n’est pas entre nous, il est entre moi et vous, entre moi et eux, entre moi et toi, il est devant moi un objet qui m’empêche d’aller vers vous, d’aller vers eux, d’aller vers toi. Elle me bouffe, elle me regarde, elle m’adore, elle va me bouffer, elle me serre dans ses bras, elle m’étouffe. [J’ai tout fait. Non. Pas-tout. Non. Jamais ‘’tout’’. Comprendras-tu un jour.] Comment défaire cet état de fait. Non pas afin d’accéder à elle, mais afin de pouvoir l’aimer.

Aller poster le chèque du père qui paye pour son fils. Croiser Denis le compagnon de Magali. Aller boire un verre avec lui en attendant que son bus de 17h00 arrive. Entrer dans la galerie Confluences et découvrir le travail de Olivier Rucay. Échanger quelques mots avec la femme qui s’occupe de la galerie.

C’est [le silence de] la salle qui fait le début du spectacle. Le silence de la salle qui soudain se fait : le spectacle alors peut commencer. Le spectacle : est un lieu et un temps qui s’exposent face à des corps venus faire silence pour entendre et voir.





29.11.08. Je me libère, par le récit. Je défais le secret, non en le découvrant, mais en affirmant désormais mon propre récit, et non plus en en supposant un agissant sur celui que je n’écris pas. Il s’agit d’écrire sa vie.
Ils étaient trois douaniers. Ils sont trois policiers ce matin qui frappe à la porte. Ils sont trois soldats, page 53. Pierre de patience.

Chercher. Le point de bascule. Dans une vie. Où la notion de après vient de à naître. La naissance de l’après. La mort de l’enfant.

Si ça te plaît, ça ne t’envahit pas.

Terre et cendre. Pierre de patience. Tout est calme. Immensément calme. Paysage immense et silencieux. Le vent. L’immensité. Les corps des hommes et des femmes, eux-mêmes silencieux. De temps en temps, une bombe explose. On entend des armes qui tirent. Puis c’est le retour au silence. Il y a un enfant devenu sourd. Il dit que les vivants sont devenus muets et que seuls les morts parlent. Il y a une femme restée muette toute sa vie. Elle parle enfin à celui qui fut son mari, maintenant qu’il est mort. Maintenant que son corps à lui est inerte et n’est plus en mesure de réagir. Une femme parle à un mort. Un mort dont le corps respire encore. Un corps inerte dont elle ne sait si l’esprit peut encore l’entendre. Lui parlerait-elle si elle était certaine qu’il entende. Elle parle au corps. Le muet. Elle parle à qui ne peut répondre. Silence. Parole. Guerre. Corps. [http://remue.net/spip.php?article3074]

Un déménagement. Un départ qui a lieu pour cause d’incompatibilité de vivre ensemble. Le départ d’un lieu provoquant l’arrivée dans un nouveau lieu. Le regard d’une femme. Le désir par le regard. L’attirance n’est pas le désir. Être connu. Être reconnu. Être un inconnu. Appartenir à un peuple d’inconnus. Être le seul connu. Être l’élu. Appartenir au peuple élu. Être l’unique élu guidant le peuple. Être un homme donnant des cours de danse à un groupe de cinquante personnes. Il y a quarante-neuf femmes, et un homme. Quand il parle du groupe, il dit : elles. Il dit : la grammaire n’aura pas raison contre le nombre. Pas jusque là. La grammaire n’aura pas raison contre un peuple de femmes. Il est un homme. Autre.

"Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes / Et les ressacs et les courants : je sais le soir / L’Aube exaltée ainsi qu’un peuple de colombes, / Et j’ai vu quelques fois ce que l’homme a cru voir !" [Le Bateau ivre, Rimbaud]





30.11.08. Dimanche. Sortir tard. La nuit tombée. Aller à l’atelier de lithographie du Petit Jaunais. Journée portes ouvertes. Rencontrer Nancy. Parler avec elle. Voir les estampes exposées. Voir les estampes appelés ‘’fins de chéris’’, à l’étage. Acheter une estampe ‘’fin de chéris’’. Apprendre que l’artiste est mort. Oublier l’estampe dans la voiture, en rentrant. Deux jours plus tard elle y est encore. Écrire ses mots. Descendre. Aller chercher l’estampe. Revenir. Continuer. Reprendre. Dimanche. Sex Lies and Videotape. Quelques pages de Pierre de patience. Dormir.