COMMENCER – Décembre 2008 [3]

Notes pour un texte à venir






20.12.08. Début des jours blancs. À la page de l’agenda, ce jour, et pour chaque jour jusqu’à la fin de l’année : blanc. Pages blanches. Rien n’est inscrit. Ce qui s’inscrit dans l’agenda prévoit et organise et planifie et rend possible l’avenir, le futur. Non. Ne le rend pas possible. Non. Dire ça autrement. Pages blanches : le possible est ouvert. Ce qui s’inscrit dans l’agenda laisse des traces visibles pour le passé qui vient, aussi. Et offre à la mémoire défaillante, ou à un regard étranger, une possibilité d’entrée dans ce qui fut vécu, peut-être. Ce qui fut écrit ne présage en rien de ce qui fut vécu. Un écrit qui prévoit et planifie. Contre un écrit qui revit. Qui vit à neuf. Jours blancs. Comment je me souviens. Quelles traces ailleurs. Nos machines en sont pleines. Les mails reçus écrits ce jour. Les sms, les coups de téléphone. Les données en mon corps plus difficilement accessibles. Ce gouffre entre spontanéité et présent. Instant, moment, présent, immédiat, spontané. Le 20 décembre est un samedi cette année. Ce jour se mélange aux autres. Est-ce que j’ai vu quelqu’un aujourd’hui. Est-ce que j’ai parlé à quelqu’un aujourd’hui. Est-ce que je suis sorti de chez moi aujourd’hui. Est-ce que je suis allé à l’intermarché aujourd’hui. Est-ce que j’ai donné un euro, ou deux, ou acheté trois côtes de porc dans l’échine pour Daniela Opréa aujourd’hui. Est-ce que j’ai acheté un steak de qualité pour moi découpé dans l’onglet et trois côtes de porc pour Daniela Opréa. Le steak coûte aussi cher que les trois côtes de porc. Est-ce que je suis allé au cinéma aujourd’hui. Est-ce que je me suis levé tard. J’ai travaillé POUR COMMENCER ENCORE, probable, jusqu’à ce que la nuit tombe, probable. Il fait beau pendant ces jours. Ciel bleu et soleil dehors. Je suis à la table ronde dans la grande pièce, dans la lumière. La lumière vient de dehors, j’écris, je mange. Quand la nuit tombe je sors, je marche, je regarde. Un jour je ne guetterai plus la rencontre et elle arrivera. Un jour je n’attendrai plus son arrivée. Ne plus la guette = ne plus la craindre. La conscience de la peur qui participe de sa fixation, et non du combat nécessaire. Je sors à la nuit tombée. Je suis triste, oui, sans doute. Je me souviens. Je marche, le long de l’Erdre. Je n’entre pas dans la galerie Confluence, j’entre dans l’Atelier, nouveau lieu d’exposition à Nantes. Chère mauvaise conscience nantaise, cher colonialisme toujours régnant, l’exotique beauté des corps des africains, cher corps étranger, comment t’aimer, comment t’enchaîner, comme t’aliéner, te nier, comment vivre libre avec toi. Il faut. Que je m’installe ici, afin de pouvoir en partir. Il faut. Que je rayonne ici, afin de modifier les rapports dans la ville. Il délire. Il y croit. C’est le propre du délire. Afin de pouvoir modifier les rapports que ma vie entretient avec la vie, il faut que je m’enracine dans la vie. Il faut, il faut, il faut. Un coup de téléphone de Christian alors que je suis dans l’Atelier. Cher cousin. Parler de Spinoza. Parler de la revue. Parler de déménager. Vivre entre deux villes. Économiser de l’argent. Retourner vivre quelques mois chez ta mère. Fêter Noël. Ne pas fêter Noël. Impossible de ne pas y penser. Être seul. Parler d’un livre à Christian. Il me dit qu’il descend l’acheter immédiatement. Le monolinguisme de l’autre. Me sentir très seul. Jours blancs. Osciller entre la puissance de solitude et son insupportable. Puissance d’affirmation. Repli, enfermement. Dehors : un cortège : des gens avec des lampions : un cortège qui traverse la ville : un cortège bien gardé, bien encadré par des corps munis de leurs gilets jaunes. Les hommes jaunes, visibles dans la nuit, des drapeaux pour arrêter les voitures, des drapeaux pour arrêter le cortège, pour laisser passer les voitures. Un cortège bien poli. Un pays sécurisé, préventif. C’est quoi ce truc. C’est la fédération française de randonnée : elle organise tous les ans une marche : cinq kilomètres dans la ville. Effroi. Corps agglutinés en cortège dans la nuit, chacun son lampion, les têtes baissées. Combien de centaines sont-ils. Très nombreux. Se suivent dans une randonnée bien organisée, à la file, cinq kilomètres dans la ville, un circuit organisé, cinq kilomètres bien balisés pour ne pas être ensemble, faire masse, et après ça : dispersion. Un autre défilé, plus loin, dans la ville, dans les rues commerçantes : une parade de Noël avec de faux bonhommes de neige qui sourient aux enfants dans les rues aux commerces portes grandes ouvertes : venez, venez acheter. Consommer pour Noël est un acte citoyen déclare trois jours plus tard le secrétaire d’état chargé de la consommation. Ainsi la cité rayonne. Je traverse le défilé des bonhommes de neige. Je retrouve le défilé des fédérés de la randonnée. Je marche jusqu’à la place du Bouffay. Une première bière en terrasse. Une deuxième, à l’intérieur du bar. J’essaye de lire quelques pages de Atiq Rahimi. Je n’y arrive pas. Solitude inquiète. Envie, besoin de voir quelqu’un. Savoir que c’est justement dans ces moments de détresse-là que je ne peux voir personne, que je ne peux être avec personne. Vouloir appeler au secours. Ne pas vouloir demander secours. Ne pas vouloir venir vers toi dans un mouvement d’au secours. Mais dans un mouvement de désir. Dans un mouvement où le mouvement de mon désir me porte, me fait aller, m’ouvre à la possibilité de la rencontre. Tout est fermé. J’envoie un sms à Soizic. Nous nous verrons lundi. Je pense à Morgane. Je pense à la puissance du regard. Je pense au pouvoir du regard. Je pense au vertige d’un d’abandon. Je pense au vertige d’un désir, par le regard. Je rentre chez moi. C'était : il y a quatre jours. Aujourd’hui l’écriture me rend la puissance, la réactive. Me déréalise, aussi. Chaque matin, chaque jour, la force revient. Chaque soir est un danger. La confiance est totale. Le leurre est total. Il règne en maître. Le réel est dehors. La folie est possible. Donc elle ne viendra pas. Tant que je peux le dire elle ne viendra. Tant que je sais le dire elle ne viendra pas. Tant que j’y crois. La folie : est l’impossibilité de croire, à quoi que ce soit qui se rattache au réel. Je reçois un mail de Adeline. Je lui envoie ces mots que je viens d'écrire. Je t'envoie ces mots en écho à ceux que je viens de lire de toi. Je vous envoie ces mots en écho à ceux que je viens de lire de vous.





21.12.08. Jour blanc. Souvenir du cinéma, le soir. Souvenir de croiser Soizic et Alexandre qui sortent de la séance précédente. Employer le mot ‘’mister’’ pour dire au revoir à Alexandre. Entendre ‘’mystère’’ quand je l’écris. Prononçant à voix haute chaque mot que j’écris. Parler dans la solitude. Le son des mots habite l’espace, le son des mots vient remplir l’espace vide autour du corps. Les mots sortent par la bouche. Les mots pensés depuis l’espace du corps, une fois qu’ils sont prononcés et projetés dans l’espace dehors accompagnent la solitude du corps. Les mots prononcés en public font lien entre nos solitudes et les questionnent. Donner une réponse commune aux tremblements individuels. Penser le politique dans l’impossible accord des désirs individuels. La possibilité de la pensée. De l’agencement. Le très beau film d’Alain Cavalier. Le dernier plan. Les oiseaux viennent manger dans la maison. La maison du cavalier et de sa compagne. Une maison ouverte. Une pièce ouverte aux oiseaux. Un fondu au noir. Au revoir. Rendez-vous dans dix ans. Écrire. Avoir attendu : avant de répondre. Choisir d’attendre, ou de ne pas attendre. Répondre immédiatement ou laisser quelques heures passer. Montrer la vitesse de réaction d’un corps aux aguets derrière l’écran. Rendez-vous le 2 janvier. Nous serons six, ou sept. Une lithographie à douze ou quatorze mains. Écrire à Cécile, à Olivier, à Sophie, à Perrine, à Magali, à Frédéric, à Nancy, à Eric, à Adeline. Bonjour, je te joins les textes lus dimanche dernier dans la maison du grand os : les trois conférences. Je te joins aussi des textes qui viennent de Vers un chant. Je me dis que les textes qui viennent de Vers un chant sont plus facile d'accès que les trois conférences. C'est quoi. Cette facilité d'accès. Je te donne l'adresse d’un blog. Il n'y a pas grand chose encore à y lire. Ce sera alimenté petit à petit. Chers aliments. Reparlons-nous au téléphone bientôt. Cette idée d'enfin refaire quelque chose ensemble, et ça précisément, à partir de ce que nous avons évoqué à Toulouse l'autre jour : grand oui. Peux-tu me donner le mail de Isabelle. Il a disparu de mes listes et du coup elle ne reçoit plus les infos. À très bientôt. Je t'embrasse. Bonjour. Il y a je crois un malentendu. Un malentendu lié à quelque chose que Régis a peut-être mal exprimé. Ce que je lis dans ce que Régis a écrit (mais que la formulation du texte ne donne peut-être pas clairement à entendre), c'est l'impossibilité aujourd'hui de parler de, de penser, de dire : la pédérastie (qui sera immédiatement assimiler à la pédophilie) : dans le climat actuel de régression et d’étouffement. Temps de vitesse où la pensée [et la vie même] libre et sa complexité n'ont plus de place visible [plus de place pour être]. Nous sommes les corps d’une armée refusant la guerre, nous sommes en quête d’espaces visibles et ouverts pour la pensée libre et complexe. Pour la vie libre et complexe. Je pense que Régis voulait condamner le raccourci pédéraste=pédophile=homosexuel, mais qu'il aura peut-être manqué son coup, à t'entendre, d'avoir vouloir dire trop vite, ou confusément. Voilà pour ce qu'il en est de ce que j'ai lu dans cet édito, auquel quant à moi je mettais un bémol ailleurs, un bémol interne : quant à l'emploi du ''Pour nous'' utilisé par Régis. En effet, l'édito est de lui, et personnellement je suis prêt à le défendre en tant qu'il est l'édito de Régis, et d'une parole libre, mais non en tant qu'il dirait ce que ''nous'', auteurs de la revue, pensons. Autre débat, donc. Je t'invite vivement à écrire à Régis à l'adresse de la revue, afin qu'il puisse te répondre, lui, auteur des mots de l'édito. Grand merci pour ton attention. Et à très bientôt. Bonjour. Avec grand plaisir pour le 2 janvier. Je serai là. Merci pour l'invitation. Et à bientôt. Bonjour. Viens-tu à Nantes pour le 24 en famille ou bien pas du tout. Si oui, occasion de se voir ici, moi je suis là. Je suis en train de revoir le document d’invitation pour la revue et je te l’envoie, et je vous l’envoie, vite. Je t'embrasse. Bonjour. Qu’en est-il de la petite bande de texte qui entoure le courrier. Je t’embrasse. Bonjour. 15 cm de longueur de texte et combien pour la largeur et hauteur. Est-ce une bande fine avec par exemple une seule phrase d'une seule ligne en corps 2. Je t’embrasse. Bonjour. Après avoir décroché le téléphone 1 direction ligne fixe : répondeur. Après avoir décroché le téléphone 2 direction ligne mobile : pas de répondeur. On se voit quand, on se voit où, est-ce qu’on se voit bientôt. Appelle-moi si tu veux un matin chez moi. J'espère que tu vas bien. Je t'embrasse. À bientôt. Bonjour. Ce mail pour te poser une question à propos de quelque chose de flou qui me tracasse. J'ai senti qu'il y avait quelque chose de tendu l'autre soir. Quelque chose de pas-détendu mais que je n'ai pas su à quoi attribuer. Difficulté d'être ensemble. Malentendu. Rien du tout. Autre chose. Qu'en as-tu ressenti. Toi. Qu'en sais-tu de ton côté. Si c’est dans ma tête solo je retourne chercher la réponse en solo. Je te convoque pour m’aider à la chercher. Nous la cherchons dans le dialogue. Nous n’avons pas les mêmes questions. La communauté d’une réponse si elle a lieu est une joie. Je t’embrasse. Bonjour. Je suis particulièrement content de ce temps informel après les lectures qui a laissé le temps d'échanger avec certaines personnes venues. C'est une chose qui m'avait manqué à Clisson lorsque nous avions fait la lecture en juin dernier. Plus personnellement, je suis heureux d'avoir pu éprouver par la lecture ces deux textes que j'ai lus et que je venais juste de travailler, et que j'ai relus deux jours plus tard à Toulouse. Cet intérêt pour le temps de la lecture comme un temps de l'écriture qui se prolonge, se précise, se fixe, se modifie : par la lecture. Voici ces quelques mots et pensées. Soleil couchant flamboyant sur église Saint-Donatien. À bientôt. Je t'embrasse. Bonjour. Ci-joint le document que je nous propose pour inviter à participer à la revue. Dites-moi comment ça vous va ou pas, ou quoi manque ou quoi cloche. À très bientôt. Bonjour. Tu peux m'appeler demain matin par exemple si ça t'est possible, qu'on en parle de vive voix, je suis chez moi. Ou appelons-nous sur mobile pour se fixer un rdv sur fixe. Joie de la téléphonie. J'aimerais que ce document soit fixé dans les jours qui viennent de manière à pouvoir chacun lancer toutes nos invitations dans la première semaine de janvier, et avoir le temps chacun de préparer ça d'ici là. Ça me semble important que les personnes que l'on veut inviter reçoivent maintenant l'invitation au plus vite. Début janvier. Faire ainsi que la revue commence vraiment et enfin. Je vous embrasse. À bientôt. Bonjour. J'avais tout simplement gardé votre mail, et le texte joint, bien sûr, avec. Je viens de le lire. Mais que vous dire. Je crois y lire une voix qui ne se cache pas. Mais quoi. Je me sens tout à fait incapable de donner un avis, incapable, et sans légitimité aucune. Je crois à la recherche à laquelle chacun se confronte, dans le langage qu'il se choisit et qu'il invente, en même temps. Est-ce que c'est un avis. C'est un écho. Avez-vous d'autres textes que vous faites lire. Ce serait avec plaisir. Très cordialement.





22.12.08. La sirène sur le chantier retentit. Jour blanc. Je lis les dernières pages Du côté de chez Swann. Mais quand disparaît une croyance, il lui survit, et de plus en plus vivace, pour masquer le manque de la puissance que nous avons perdue de donner de la réalité à des choses nouvelles, un attachement fétichiste aux anciennes qu’elle avait animées, comme si c’était en elles et non en nous que le divin résidait et si notre incrédulité actuelle avait une cause contingente, la mort des Dieux. Et le souvenir d’une certaine image n’est que le regret d’un certain instant. Pensées vers la marche avec Patrick à Clermont-Ferrand l’an dernier en lisant les dernières pages où le narrateur retourne dans le parc où il avait l’habitude, enfant, de guetter le surgissement d’Odette Swann. Et j’écris bonjour. Tout ce temps sans t'écrire et tant de pensées avec tout ce chahut des derniers temps. En fait j’aurais bien envie de venir te voir pour continuer d'en parler hors la distance. Et aussi pour parler de toute autre chose. De rien. D'aujourd'hui. D'autre chose. De la suite. Chère suite. Ou marcher. Tout simplement. Là. Je suis entre le projet POUR COMMENCER ENCORE et la revue et plein de choses. Trop de choses je me dis parfois. En même temps : tout va dans un même sens. Certains matins comme là maintenant très confiant. Et les effondrements des soirs. Et toi comment vas-tu? Je t'embrasse. Je te dis à bientôt. Bonjour. Rien qui me dérange vis à vis de toi. Non. Ce que je te disais dans mon mail d'hier ne sera donc qu'un effet de ma difficulté à être là sereinement avec d'autres et l'autre. Et oui avec plaisir se prendre un café à Nantes. N'hésite pas à m'appeler quand tu y viens. À très bientôt. Je t'embrasse. J’achète un steak dans l’onglet et trois côte de porc dans l’échine pour Daniéla Opréa. Je vais à la bibliothèque. J’emprunte la conférence des oiseaux. Le Chien Stupide est fermé. Le Select est fermé. Je vais au Live bar. Musique trop forte. Je demande au barman s’il peut baisser. Une bière. Deux bières. L’arrivée de Soizic. Parler avec elle des trois soirées Atiq Rahimi. Aller voir Shadows in Paradise de Kaurismaki. Aller manger au restaurant. Un restaurant asiatique rue du marais. N’y étions jamais allés. Ni l’un. Ni l’autre. Très bon. Y reviendrons. Ensemble. Séparément. Garder tout ce que j’ai écrit. Et tout montrer au monde. Garder caché certains fragments du monde. La parole intime et son exposition. La connaissance de l’intime de l’autre. L’impossible connaissance de l’intime de l’autre. Les mots de l’autre. Le rapport impossible à dévoiler sans dévoiler l’intime de l’autre. Je m’y refuse. Impossible à dévoiler sinon en écrivant, ré-écrivant le vrai, ré-écrivant l’intime indévoilabe, afin de rendre le dévoilement possible.





23.12.08. Jour blanc. Du côté de chez Swann. Dernières pages. Nom de pays : le nom. Deux films de Kaurismaki, le soir. Crime et Châtiment. Juha. Joie. L’amour que j’ai pour ce cinéaste. Pour son cinéma. Le mot amour. La disproportion. La crainte de l’inadéquation entre l’énonciation et ce qui est. L’humanité de ce cinéma. Tant de vie dans tant de décombres. Bram Vam Velde parlant de Beckett. L’humanité de Beckett. L’humanité de Kaurismaki. Kaurismaki : petit-neveu finois de Beckett. Ce qu’ils me donnent. Tous les deux. Chacun. Tellement. Avant de sortir pour aller au cinéma, je ne le sais pas. Acheter une bouteille sur le chemin de retour et boire seul. Le désespoir de ça. Sombrer. S’enterrer. Déployer la mort. Le désespoir de ça. Aller chercher le texte de Duras sur l’alcool dans La vie matérielle. Chercher un texte de Duras qui n’existe peut-être pas. Qui est peut-être fait de certains mots de Eustache dit par Jean-Pierre Léaud dans La maman et la putain. C’est en 68. Des gaz lacrymogène. Et un homme qui marche nu. Duras. Chez Eustache. Écrire. Boire. Se souvenir. Oublier. Pleurer l’absence de Dieu. Pleurer sa mort déjà vieille depuis plus d’un siècle. Être dans un chagrin vieux d’un siècle. L’amour. Écrire. Bonjour. Je me sens peu présent, voici ma première remarque. Mais quel besoin de moi, et quand, dans cette affaire : c'est toi qui sait, oui. Bonne nuit. À très bientôt. Bonjour. Oui, Marrakech. Mais dis-moi, c'est combien un billet aller-retour. Es-tu à Nantes? Moi oui. Appelle-moi si tu es là, ou quand tu reviens. À bientôt. Bonjour. Ci-joints les 15 cm de texte. Les mots entre crochet font que la phrase dépasse les 15cm en corps 4. Si tu peux les garder, tant mieux. Sinon, disons leur adieu. Pour ce qui est de la carte, juste une chose : n'est-il pas possible d'écrire L'IMPOSSIBLE, L'AUTRE PAS en toutes lettres. Je corrigerai bien aussi ceci : plutôt ponctuer ainsi : ''et sachant que oui, demande : c'est quoi’’. À bientôt. Je t'embrasse. À très bientôt. Et beaux jours. Bonjour. J'ai reçu le numéro 3 et j'imagine que je vais recevoir le numéro 4. J'ai vu Guénaël, il y a peu, et il m'a parlé de votre publication avec Jérôme Mauche. Y a-t-il quelque chose de l'ordre d'un abonnement pour recevoir tout ce que vous publiez. En espérant que tu vas bien. Je te salue. À une prochaine fois. Bonjour. J'en dis grand bien. Et en effet proposons. Quelque chose avec nos deux écritures. Quelques chose avec l’écriture d’autres auteurs. Je te joins les notes que j'ai prises, un soir, buvant lisant écrivant. Faire quelque chose avec Duras, oui. Mais quoi dans Duras. Quelque chose peut-être avec ce passage : ''On manque d'un dieu. Ce vide qu'on découvre un jour d'adolescence rien ne peut faire qu'il n’ait jamais eu lieu. L'alcool a été fait pour supporter le vide de l'univers, le balancement des planètes, leur rotation imperturbable dans l'espace, leur silencieuse indifférence à l'endroit de votre douleur. L'homme qui boit est un homme interplanétaire. C'est dans un espace interplanétaire qu'il se meut. C'est là qu'il existe. L'alcool ne console en rien, il ne meuble pas les espaces psychologiques de l'individu, il ne remplace que le manque de Dieu. Il ne console pas l'homme, c'est le contraire, l'alcool conforte l'homme dans sa folie, il le transporte dans les régions souveraines où il est le maître de sa destinée. Aucun être humain, aucune femme, aucun poème, aucune musique, aucune littérature, aucune peinture ne peut remplacer l'alcool dans cette fonction qu'il a auprès de l'homme, l'illusion de la création capitale. Il est là pour la remplacer. Et il le fait auprès de toute une partie du monde qui aurait dû croire en Dieu et qui n'y croit plus. L'alcool est stérile. Les paroles de l'homme qui sont dites dans la nuit de l'ivresse s'évanouissent avec elle une fois le jour venu. L'ivresse ne crée rien, elle ne va pas dans les paroles, elle obscurcit l'intelligence, elle la repose. J'ai parlé dans l'alcool. L'illusion est totale : ce que vous dites, personne ne l'a encore dit. Mais l'alcool ne crée rien qui demeure. C'est le vent. Comme les paroles.'' Je vais chercher d'autres choses. Je vais aller acheter le recueil de poésie des femmes pashtounes. Je finis de lire Le retour imaginaire, et je te le passe après. Il y a peut-être quelque chose à faire avec ça, d'autant plus que je crois que les photos du livre seront exposées. On peut faire une série de propositions, en duo, qu'on envoie à Thèrèse, en fonction de nos envies, et après on voit ce qu'on travaille, en fonction du temps et du nombre de passages qu'on aura par soir, ou sur les trois jours. Des propositions duo, donc. Avec ce que je vais écrire. Avec Duras. Avec Le retour imaginaire. Avec les poèmes des femmes pashtounes. Et bien sûr travailler ça avant, se prévoir un ou deux ou trois temps de travail en janvier. Tu pars quand. Tu reviens quand. À très bientôt. Je t'embrasse. Sortir. Marcher jusqu’au cinéma. Un rendez-vous avec Ann’Lise pour la deuxième séance. Elle ne vient pas. La douleur. Ce qui excède mon intime et dont je veux parler. La mort d’un enfant. L’impossible deuil d’un enfant qui n’a vécu que quelques mois. La réalité d’un deuil dont j’ignore tout. La douleur qui était là avant l’enfant. L’enfant qui ne supporte aucun appel pour une douleur dont il ne saurait être la consolation. Et c’est de mon seul rapport à l’enfant dont je parle ici. Vincent, devant le bar, en face du Cinématographe. Aller le saluer. Echanger trois mots. Rien. Regonfler mon vélo qui a passé deux jours devant le cinéma. Passer par une épicerie, rue du maréchal Joffre. Acheter une bouteille de vin, un morceau de fromage. L’épicier est bavard, ce soir. Il fait des blagues idiotes. Il dit qu’il n’y a plus de fromage alors qu’il y en a. Il dit qu’il y a eu peu de monde ce soir. Je lui demande à quelle heure il ferme d’habitude. Il est 22h30. Est-ce qu’il est saoul. Est-ce qu’il est seul. Est-ce qu’il me reconnaît. Je rentre chez moi.





24.12.08. Jour blanc. Travailler les notes des 20 et 21 décembre. Écrire à Adeline. Lui envoyer les notes des 20 et 21 décembre. Être à l’affût de la rencontre. Vivre à distance des autres corps. Travailler seul chez moi. Vivre dans un fantasme. Géraldine, en 2002. La puissance du fantasme s’il est mis à l’épreuve du réel. Travailler le matin. Faire à manger. Décrocher le téléphone qui sonne. 14h00. Arrêter les plaques électriques. Rejoindre Michel en terrasse place du Bouffay. Acheter un sandwich sur le chemin. La jeune femme qui tient une des boutiques du marché de Noël équitable. Un Noël équitable. Un sourire. Une consommation équitable. Un moment avec Michel, puis il rejoint Géraldine. Même prénom. 2008. Bibliothèque. Musique d’Afghanistan contre musique du Brésil. Je vais au bout de l’île. Je bois une bière en lisant le début du texte de Badiou sur Althusser. Qu’est-ce que vous désirez, demande la serveuse. Je désire le commencement absolu de l’histoire. Le Capital, selon Althusser, selon Badiou, évangile d’évangile d’évangile : ‘’le commencement absolu de l’histoire d’une science’’. Page 60. La philosophie de Marx pensant ‘’non des garanties de la vérité, mais des mécanismes de production de connaissance.’’ Je rentre chez moi. Je vois cet homme qui est peut-être l’homme qui m’a planté un couteau dans le mollet droit il y a quatre ans. Un homme à la rue. Assis à un arrêt de bus. L’impensable d’aller à la police. Le penser est possible. Le faire est impensable. Quel philosophe a pensé ‘’le faire’’. Je rentre chez moi. J’écoute les 14 premières respirations et brèves rencontres de Bernard Heidsieck. Je mange les légumes cuisinés à 14h00 avec du riz. J’envoie un message à mes parents. Je regarde Le vent de la nuit de Garrel. La beauté sombre de ce film. Le suicide chez Garrel. Les femmes, c’est sacré. C’est quoi sacré. Sacré, c’est ce qui sauve quand il n’y a plus rien. Qui vient en écho à. Le fait est qu’il y a du savoir, et tel est le « il y a » sans origine où se décide la philosophie, au sens même où Spinoza constate que nous avons une idée vraie. Ce qui signifie, en toute rigueur, que si nous n’en avions pas, d’idée vraie, nous ne pourrions ni en trouver une, ni entrer en philosophie. Badiou. Garrel. Quand l’œuvre et la vie coïncide. Grave ce n’est pas triste grave c’est quand on est heureux on sait pourquoi. J’entends plus la guitare. Cholodenko. Je me couche très tôt.





25.12.08. Réveil dans la nuit. Bonjour. Oui voyons-nous le 3 janvier dans l'après-midi ou en fin d'après-midi, est-ce que ça t'irait, le 2 je ne peux pas. Les 20 et 21 janvier il faut que je vois le temps que j’ai en fonction de ce travail de réécriture que je vais peut-être faire, j’aurai des nouvelles à propos de ça en début janvier. Je ne sais pas pour l’instant comment je vais pouvoir et devoir gérer mon temps. Des sessions de travail de 4 heures est-ce que ça te semble assez. Deux jours. Ne pas se disperser dans les propositions. Travailler quand même sur trois ou quatre pistes. Voir ce qui se passe avec en travaillant. Voir ce que l'on garde. Ce que l'on propose, puis se que l’on garde. Travailler deux ou trois propositions qui puissent exister dans des formats différents. Oui. Faire une proposition simple. J'attends que tu me répondes. Je lui écris. J'essaye trouver un lieu où travailler. La disponibilités des êtres. La disponibilité des lieux. Les propriétaires des lieux. Voilà pour ce soir. Voilà pour cette nuit. Bonjour. Les jours passent sans que je t'ai répondu. Te dire l'envie de trouver un moyen, des moyens, du temps et un lieu pour travailler avec toi. Besoin de reparler avec toi. Besoin de t’entendre ou te lire à propos du projet dont tu m'as parlé au printemps dernier. Est-ce que tu penses toujours à ça. As-tu des choses déjà écrites. Te dire mes disponibilités et comment je me lance dans l'année 2009. La Revue ce qui secret + POUR COMMENCER ENCORE, projet à long terme dans lequel je me lance en ce moment. C'est à ces deux projets que je vais donner le maximum de mon temps. Travailler à d'autres choses, dans des temps assez restreints mais je ne veux pas fermer les possibilités. Il ne veut pas fermer les possibilités. Je te fais une contre-proposition. Il fait une contre-proposition. Qu'un travail ensemble s'inscrive dans le projet POUR COMMENCER ENCORE. En espérant que tu vas bien. Bonjour. Bien content de te lire et oui bien sûr je suis d’accord pour que tu relayes l'information et mettes la Revue Ce qui secret en lien ami. Ne viendrais-tu pas à Nantes prochainement. Commencer la lecture des Petits soldats de Haenel. La fatigue. Me rendormir au matin. La fin de Rio Bravo. Télévision. Vous ne regrettez pas de ne pas avoir pris la diligence ? Elle le regarde et lui répond d’un simple hochement de la tête. Sortir. Ces civilisations qui disparaissent. La nôtre peut-elle survivre. Comment peut vivre une société qui ne pense qu’à survivre. Penser à survivre. Ne pas être malade mais ignorant. Penser à vivre. Arrête de penser. N’arrête pas. Marcher une heure avant la tombée de la nuit. Marcher avec la tombée de la nuit. Un cinéma. Burn After Reading. Rentrer à pied dans le froid. Une bouteille d’alcool. Ne pas acheter. 31 décembre chez Poup et Sylvain. Avec Tanguy et Baptiste et qui d’autre. Se nourrir. Lire le petit soldat. Eteindre la lumière.





26.12.08. Jour blanc. L’écriture au présent de ce qui a lieu. Le non-écrit de l’événement. Réveil tôt le matin. POUR COMMENCER ENCORE. Penser à et ne pas faire. Aller à l’île d’Yeu. Prendre une chambre. Un bateau le matin à 7h00. Grand froid dehors. Rester à Nantes. Travailler tout le matin. Aller acheter de la viande Manger. Dormir. Sortir. Revenir. Revenir après les fêtes. Une fête. Vivre. Est-ce que tu as passé de bonnes fêtes. Passer. Impossible de passer au travers. Quand la pensée empêche. Détruire la famille. Jours mondiales de la consommation. Te couper du monde. Sans issue. L’accès est ailleurs. Dans la fin de l’à moitié. Dans la fin de ne pas. Faire. Sortir. Voir Ann’Lise. Passer un moment avec elle. Ici. Ici je sais que tu es là. Qu’est-ce tu fais ici. L’attente de la réponse dans le corps de l’autre. Sans issue. L’accès est ailleurs. Parler tous les deux. Envie d’alcool. Acheter une bouteille. Deux hommes à la rue qui demandent de l’argent. Une femme qui brode. Je ne donne pas d’argent. La femme du rayon poissonnerie donne des chocolats à sa collègue du rayon fromage et m’en propose. J’accepte. Je mange. Bonjour. Belle année à toi et belle fin d'année. Il reste encore six jours. Bonjour. Quelle est cette élite dont tu parles. Bonjour. Quelle est cette absence dont tu parles. Force paradoxale de l'absent est la puissance de sa présence. Quelle est cette recherche dont tu parles. Quelle est ta recherche. Ma réponse. Ta réponse. Chacune émise comprise depuis un autre corps. Chacune lue traduite par un autre corps. Ce que j'entends de ce que tu as écrit : tout autre que ce que tu as entendu en toi. L'hypothèse de la levée du malentendu. Le travail du matin. Les heures des cafés. Les heures des pointages. Quel travail est ton travail. Quel est ton nom. Quel est ton prénom. Quelle est ton adresse. Quel est ton numéro de téléphone. Je viens te rejoindre. Quel est ton essentiel. Quelle est ta famille. Quelle est ta consommation. Quel est ton enfant. Quel fut ton enfance. Quel est ton aujourd'hui. Quel nom lui donnes-tu. Quel serait le nom de langage sans médiation technique. La prothèse. Parmi les hommes. L'invention du feu. Je mélange tout. Trouver son écriture. Inventer la vie de son corps. S’ouvrir à la vie de son corps. Vie et corps et écriture de chaque autre. La communauté humaine. Le vingtième siècle fut-il le plus bref de tous. 1918. 1989. 2001. 1933. 1968. Aujourd’hui. Prélude au 21ème siècle [89-2001]. L’histoire comme une phrase inachevée. Écriture, compréhension, analyse. Par la parole. Où est le corps. Il manque le corps.
T’écrire accélèrent ma pensée. Écrire dans l’ignorance d’une ou d’un destinataire la libère. Fumer les dernières cigarettes. Lire quelques pages des Petits soldats. Éteindre.





27.12.08. Faire le propre. Passer l’aspirateur. Laver les vêtements. Entre dans une librairie. Sortir avec trois livres. Crime et châtiment. L’insurrection qui vient. Feu au centre de rétention. L’homme qui peut-être m’a planté le couteau est assis au même arrêt de bus que l’autre jour. Jeter les bouteilles vides. Solitude lamentations enfermement. X me parle de Y. X me dit que Y sera au Hamman. Peur lamentations enfermement. Regret des mots écrits hier. Regret d’avoir adressé ces mots. Violent sec avec la peur qui brusque l’expression. Régression télévision regarder sur Internet les dessins animé de l’enfance. Aliénation. Défaire l’étau. Ouvrir. Acheter une bouteille. Descendre. Être au milieu de la rue. Faire demi-tour à mi-chemin. Bonjour. Ce n'étaient pas les bons mots hier je les ai mal dits. Colère en moi qui n’avais pas t’être destiné. Penser être à l’abri de la folie. Penser la folie comme l’épreuve extrême par un corps d’une inadéquation au delà du pensable. Penser la folie comme la vie d’un inaccès. Être dans l’inaccès de ce à quoi il est nécessaire à l’être d’accéder. Être sans plus aucun mot pour pouvoir le nommer. Sans plus aucun espoir. Sans plus aucun mot. Dans la seule souffrance. Où est le corps. Être en lien avec la folie. Sans y être. Sans désir d’y être. La folie ne se désire pas. la folie est le nom de ce qui ne désire pas. La folie est le nom est du non-accès au désir. Ce qui se nomme combat la folie. La force d’une présence dans le face à face qu’elle instaure avec ce qu’il en est de son idée de la folie. La possibilité de l’accès. La croyance en la possibilité de l’accès. Croire à la réussite de l’entreprise. À la possibilité de la réussite. Croire y arriver. Croire ne suffit pas. Cesser avec les mots à la place de la vie. Quelque chose de monstrueux à dénouer. Être dans le nœud. Accéder au pouvoir de dénouer. Par le corps. L’action qui dénoue. La conscience de la nécessité de dénouer. Ne suffit pas. Nommer ne suffit plus. Il me faut vivre désormais autrement, autre chose. Écrire aide à ouvrir l’accès. Mais ne suffit pas. Il faut écrire. Avec tout le corps.





28.12.08. Alors comme ça il ne sort pas de chez lui. Il est assis dans son fauteuil. Il écrit : il ne m’arrive rien avec l’autre. Rien de ne lui arrive. Ce qui est profondément faux. Tout lui arrive. Mais assis dans son fauteuil, claquemuré dans pièce unique, tout les accès sont fermés. Il va encore souffrir quelques temps. Mais ça, c’est son affaire. La nôtre d’affaire, c’est le patient récit de sa libération. Bonne nouvelle. Il écrit : il faut, que quelque chose, m’arrive, j’attends, l’arrivée, de quelque chose, j’écris, l’arrivée, de quelque chose, je provoque, l’arrivée, de quelque chose. Il est en chemin. Soyons patient. Il écrit : si je vis au contact d’autres vies, en leur présence, ceci est une expérience qui donne. Une expérience qui donne à chacun. Il écrit : je suis enfermé chez moi et de cet enfermement il m’est vital de faire une expérience qui donne à chacun et ainsi défait l’enfermement. Pourquoi pas. Trouver. Le chemin. Entre la nécessaire solitude pour l’écriture. Et la présence partagée ouverte au don. Il se lève dans la nuit. Il reprends le travail des notes POUR COMMENCER ENCORE. Dernier jour à Toulouse. Derniers jours ici. Rejoindre le présent. Sentir la fatigue. Petit-déjeuner, dans la nuit. Se recoucher au matin. Dormir une heure, deux heures. Penser à. Aller faire. Un tour à. Saint-Nazaire. Penser à. Tuer. Le temps. Attendre. Attendre demain. Un rendez-vous pour covoiturage en direction de Paris. Non. Partir maintenant. Annuler le seul rendez-vous pris. Appeler Perrine. Faire à manger. Partir à midi. Prendre les nationales et les départementales. Passer par La Flèche. S’arrêter au Prytanée. Pensionnat militaire où se déroule Les petits soldats de Yannick Haenel. Penser aux quatre-vingts ans du père de Gwenaëlle. Penser à un lieu dont je n’ai jamais retrouvé le nom. La mère de Gwenaëlle connaît le nom de ce lieu. Ne pas demander à qui a la réponse. Être obsédé par la réponse qui manque. Ne pas pouvoir demander à la personne qui sait. Donner trop d’importance à une question sans importance. Donne toute l’importance au fait de la question, au fait de la recherche. Où est la parole. Où est la réponse. Où sont l’espace et le temps donnés à la réponse. Rouler seul en voiture. La Loire. Le Loir. L’aurore : le nom d’un bourg. Durtal : le nom d’un autre. Donner à un personnage de roman le nom d’un lieu. Penser à La course l’attente : notes écrites à partir d’une expérience où sentir la vie en sentant le corps par la fatigue et l’exercice physique. Penser POUR COMMENCER ENCORE : à la recherche de : sentir la vie par la vie : corps esprit phrases action. Je me lance. Dans ma recherche. Sinon pas la peine. Une recherche avec laquelle sortir de la chambre. Ce qui fait écrire Haënel c’est cela même qu’il me transmet à son lecteur. Souffle de vie. Le lit. La chambre. Proust. Sortir de la chambre. Projet de mémoire en l’absence des souvenirs. Recherche : un mémoire sur l’absence, sur la présence. La Loire / le Loir. La mémoire / le mémoire. L’animal anima par la parole l’homme en lui. Garer la voiture. Descendre. Faire le tour du Prytanée. Est-ce que c’est vide de sens. Prendre. L’air. Tuer. Le temps. Des actions de survie. Et de lutte. Afin de cesser de marche dans les lieux du passé d’un autre. Afin de cesser de marcher dans les lieux d’un livre que je suis en train de lire. Aujourd’hui : commencer à marcher dans un livre que je suis en train d’écrire. Écrire les pas du livre que je suis en train d e vivre. Rue du collège. Rue du rempart. Rue de la paix. Rue de ceinture. Rue du parc. Rue du collège. 02 43 45 36 68. Une cabine téléphonique, rue du parc. Roder autour du lieu. Préparer un attentat. Préparer un événement qui me débordera. C’est-à-dire annuler. La préparation. Défaire toute préparation. Il faut. Que j’oublie. Le désir de l’événement. Afin de rendre sa venue possible. Penser à L’attente l’oubli. Penser à une [re]présentation de ce texte avec le passage par ce moment où il est question de la cabine téléphonique. Appeler ce numéro pendant la [re]présentation. Faire avec ce qui a lieu alors. À la radio dans la voiture, écouter une réalisatrice brésilienne qui parle d’un écrivain brésilien dont elle a adapté un roman. Elle dit de cet auteur qu’il est le Joyce brésilien. Chers maîtres, je vous écris depuis un champ libre dans lequel la force que vous m’avez donné à vous lire me fait dialoguer désormais avec vous en égal. D’homme à homme. João Guimarães Rosa. Écouter une fois encore la bande son de Nouvelle vague. Plaisir sans cesse renouvelé. Schiller. Apprendre à vous détester, et le dégoût au cœur, vous servir. M’arrêter vers 17h00. Appeler Guillaume. Se donner rendez-vous demain à 20h00. Au bar Le petit poucet. Place Clichy. Coucher de soleil sur campagne française. Reprendre la route. Nuit. Bouchon à l’entrée de Rambouillet. Faire le plein à une station de service d’un hypermarché. Continuer la route par la vallée de Chevreuse. Pensées vers mes grands-parents. Appeler Perrine dans la nuit noire de la forêt de Rambouillet. Se retrouver au grand palais à 20h00. Fumer en conduisant. Être fatigué. Arriver à Paris. Garer la voiture derrière le petit Palais. Perrine. Olivier. Hélori. Claire. Caroline. Ulysse. Dans la nuit, des images. Écrire ici quelque chose avec ce temps de descente de voiture et la plongée dans cette espace avec là tous ces sons et le parcours et la sensation à l’intérieur de cet espace et de ces sons, comment c’est le parcours qui fait œuvre, et possibilité ou pas de se consacrer à chaque œuvre exposée. Le son que produit l’immense structure métallique, les corps, les images, le froid. Et le surgissement de ce prénom : Ulysse. Manger chez Olivier, Perrine, lui, et moi. Y dormir. Grande fatigue. Mes yeux inquiets me dit Olivier le lendemain.





29.12.08. Il n’y a plus rien à révéler dit le philosophe dans un entretien. Je vire ma tête de toutes ces photos puisque je ne peux pas me souvenir dit un personnage dans une bande dessinée. Matinée chez Olivier. Me lever tard. Sentir le corps détendu. Bouquiner en prenant le petit déjeuner. Boire un café avec Olivier dans un bar en bas de chez lui. Parler un peu de la revue. Retrouver Perrine ensuite. Parler de POUR COMMENCER ENCORE. Trouver chacun un chemin dans le chantier. Avoir un chemin. Connaître son chemin. Nommer le chemin. Donner au chemin un nom. Son nom de départ. Désigner un point d’objectif qui motive le mouvement. Qu’est-ce qu’à la fin je veux. Avec quelle idée de ce que je veux à la fin : je pars. Envie de lire là où ça a été écrit. Envie d’écrire et de lire : avec le là où ça a eu lieu. Remonter la Loire. Lire à des gens. Avoir des rendez-vous de lecture. Sortir des théâtres. Là ce sera dans ce lieu, dans ces lieux, là, ce sera l’occasion d’aller là, et de faire là, et de laisser ce là influer sur le faire. De faire avec ce là. Avoir un rendez-vous concret. Prendre des photos : avec une page du texte, avec tout le texte, avec tous ces notes qui constituent le ou les textes à venir. Travailler avec toutes ces matières de textes. Commencer chacun, Perrine et moi, avec les mêmes matières, à un temps t, et écrire chacun, avec ces matières, dans le temps, et voir où elles nous mènent et quels objets singuliers chacun nous formons. Quel objet par le théâtre s’écrira. Quel objet par les mots. Mener de front ces deux écritures, s’en parler. Les montrer à différentes étapes de leur existence, de leur avancée, de leur évolution. Travailler à les mettre en rapport. Travailler en même temps, dans un même lien, chacun à partir d’une même matière d’origine, mais dans deux mouvements de travail séparés, deux mouvements qui cependant dialoguent et se disent en chemin comment ils cheminent, et ainsi s’écoutent, et s’en trouvent modifiés, aussi infimement que ce soit, aussi énormément que ce soit. Librairie Gallimard. Le suicide et le chant. Le petit poucet. Guillaume. La revue nécessaire. Renaud, Marie. Boire, boire, boire, boire, boire. Parler avec Marie beaucoup toute la fin de soirée. Être dans l’ivresse et sous le charme. Être mort. Être vieux. Être célibataire. Est-ce que vous avez rougi quand vous vous êtes dits bonjour. Les questions de Guillaume. Les réponses de Guillaume. Il vit maintenant à Marseille. Bruno. Lyn. Emmanuel. Est-ce que tu vends, me demande Bruno. Il parle du livre : Vers un chant neuf. Ne parler vraiment avec lui que lorsque je m’en vais. Être une fille des dieux. Un rail de cocaïne en partant. Un taxi avec Renaud et Marie. Deux messages que j’envoie et m’endors avant la réponse au second.





30.12.08. Réveil, gueule de bois. Une heure au café en bas avec Olivier. Parler de la revue. Remonter chez Perrine et dormir jusqu’à 15h00. Aller avec elle chez Jean-Claude. Kebbab. Thé. Chocolats. Mort de la mère. Psychanalyses. Chacun la sienne. Faire contre. Faire pour. Parler de la Métive, moi avec Jean-Claude, Perrine avec Maxime, en même temps, sur le trottoir, en marchant. Aller voir le lieu où j’ai donné rendez dans deux jours pour le retour à Nantes en voiture. Prendre le métro. Aubervilliers. Laboratoires. Jeux W. Tanguy. Trois nouvelles quant à demain soir. 1 : c’est une soirée ‘’rouge’’ ; 2 : Gwenaëlle sera là ; 3 : Madeleine fait un autre réveillon. Jouer au Tombeau. C’est le nom d’un des jeux W. Jouer une fois, deux fois. Stop. Avec Tanguy. Un kebbab à Aubervilliers. Le manger dans le métro. Retour chez Perrine. Se parler de nos deux soirées. Arrivée d’Olivier. Mettre une chanson avant de quitter un lieu. Mettre une chanson avant d’aller se coucher.





31.12.08. Réveil tard. Entendre Olivier et Perrine qui se lèvent et préparent leur départ. Ne pas entendre quand ils partent. Me réveiller vers 11h30. Sentir le corps détendu. Poup au téléphone. Gwenaëlle au téléphone. Perrine au téléphone. Je rappelle Julia Vilaine du conseil général qui a laissé un message hier. Rendez-vous le 5 janvier. Envois de messages aux passagers de demain pour le voyage retour. J’écris à Thérèse, à Nancy, à Soizic. Je mets à jour les présentes notes. Je mange du riz. Il est 16h30. Je relis les notes du mois de novembre qui sont en lignes. Les notes qui sont à ce jour lisibles, à vue. Assumer les mots que j’expose. Est-ce que j’expose d’autres que moi. Exposer de toi un rapport à l’autre dont tu auras à répondre. Être prêt à assumer la violence de la réponse. Je quitte l’appartement. Je prends le métro. La chapelle. Barbès. Marcadet. J’entre dans un supermarché. Choux rouge. Pommes vertes. Lardons fumés. Beurre. Oignons. Crème fraîche liquide. Pour ce soir. Pour dans deux jours. Le supermarché bondé. Les files d’attente. Un homme ivre et seul qui achète de la viande. Il dit à la caissière qu’elle est belle. Il m’a saoulée dit-elle quand il est parti. Il était saoul. Il est seul. Il va passer la soirée seul. Dans l’alcool on n’est plus seul. On est au-delà, ou en deçà, de un. On se multiplie, on se dédouble, on s’annule. La terreur d’être seul. Rejoindre l’appartement de Poup et Sylvain. La tignasse hirsute de Sylvain. Jules. Poup. Léo. Préparer le choux-rouge. Aller acheter des cigarettes. Poup assise à ma gauche dans le salon. Gwenaëlle. Sa guirlande de petites boules rouges et blanches à manger que l’on suspend au plafond. Anne. Mounir. Estelle. Est-ce avec elle que j’ai failli partir en mars. Baptiste. Tanguy. Deux amis de Mounir tard dans la nuit. Les corps qui s’étreignent dans la danse. La nuit. L’an qui change. À toi le neuf.