avril 2009 [notes pour une conférence]






20 avril 2009
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1. Le temps s’écoule toujours à la même vitesse. 2. Le temps connaît des vitesses d’écoulement différent, selon que ton corps trouve, cherche, ou donne. 3. Le temps connaît des vitesses d’écoulement différent selon que tu entends ou que tu n’entends pas le bruit que fait ton corps dans l’espace. 4. Le temps connaît des vitesses d’écoulement différent selon que tel corps étranger est en contact avec ton corps dans l’espace. Ou pas. 5. Il existe un espace où tu ne touches pas les autres corps mais où tu viens au plus proche d’eux pour entendre ce que deux corps peuvent saisir l’un de l’autre sans se toucher. 6. Une autre entente commence lorsque deux corps entrent en contact.

2. Précision topographique. Nous sommes au-dessous de la bibliothèque. Au-dessus, c’est un autre espace. Au dessus, c’est un rapport autre. Un rapport autre à l’espace. Un autre rapport à la lumière et au son. Un autre rapport entre les corps. Un autre espace. 3. Précision topographique. Ici, nous sommes dans la galerie, sous la bibliothèque. Ici, nous sommes dans les anciennes galeries de la bibliothèque. Ici, est un espace qui ne ferme jamais. Ici, est un espace entre. Ici, est un espace ouvert. Jamais fermé. Ici, est un espace entre un espace et autre chose. Ici, est un espace par lequel entre autre chose. Ici, est un espace où l’autre peut entrer. Ici, est un espace où l’art peut entrer = un espace où le temps entre par les dessous de l’espace au-dessus. Ici, dans le temps – once upon a time -, c’était la bibliothèque. C’était un espace ici qui appartenait à la bibliothèque. Aujourd’hui, c’est une galerie souterraine par laquelle entre l’art. Une galerie souterraine par laquelle le temps entre autrement. La galerie a vingt ans, elle est jeune. Elle a commencé sa vie dans la bibliothèque. Elle est dessous maintenant. Elle a son espace à elle maintenant. C’est là où nous sommes, aujourd’hui. Dessous. Nous sommes : dans l’ancienne réserve de la bibliothèque. Nous sommes : dans l’ancien sous-terrain de la bibliothèque. Nous sommes : un espace par-dessous. Nous sommes : un espace venu par les fondements de la bibliothèque. Nous entrons. Et nous articulons des questions anciennes que nous modifions au présent de nos entrées. Nous entrons dans l’art par les sous-sols de la bibliothèque et nous prenons à l’art : pour donner à la vie. Nous savons que l’art et la vie coïncident. Nous savons que l’art peut se déployer dans l’espace de nos vies. Nous apprenons que l’espace peut se déployer dans nos corps. Nous pensons que les bâtiments sont des corps vivants.

3. Ton corps peut se déployer dans l’espace. Lorsque l’art et la vie coïncident, ton corps connaît la liberté de l’espace, et non par l’art qui se saisit de la vie, mais par l’inverse quoi l’inverse.

4. Nous pensons la face inverse d’un saisissement où l’être est saisi par son propre déploiement. 5. Nous pensons la face inverse d’un saisissement où l’art et la vie sont saisis par la présence même de nos corps. 6. Nous pensons la face inverse d’un saisissement où l’art et la vie sont saisis par l’attention portée à l’espace entre nos corps. 7. Nous pensons la face inverse d’un saisissement où entre l’attention d’un corps pour un autre. 8. Nous pensons la face inverse d’un saisissement où l’attention à la présence commune déploie un espace entre, par lequel allez viens, entre

5. Et maintenant, tu cherches très normalement la place juste dans l’espace. 6. Maintenant, tu cherches très normalement un rapport juste entre tes déplacements et tes projections. 7. Maintenant, tu cherches très normalement le visage adéquate. 8. Maintenant, tu cherches très étrangement un corps adéquate. 9. Maintenant, tu cherches un corps en écho. 10. Maintenant, tu cherches un écho. 9. Maintenant, tu cherches très normalement la suite.

6. S’il n’y avait pas de frontières, je ne resterais pas toujours ici. S’il n’y avait pas de frontières, je resterais toujours ici. Si je restais toujours ici. Si je restais toujours assis, ici, je marquerai la frontière. Si je restais toujours ici, assis, nous serions pour finir côte à côte, et très loin, et : au moins trois. Si nous étions seulement deux, le troisième serait la frontière. Je reprends. S’il y avait à chaque frontière un troisième, il serait le nom d’un gardien qui nous a précédé. S’il y avait à chaque frontière un troisième, il saurait dire le nom d’un gardien qui nous a précédé. 7. Saurions-nous mieux traverser la frontière avec un nouveau nom. Saurions-nous mieux traverser la frontière avec un nouveau corps, et le même nom. Serions-nous moins nombreux avec chacun un nouveau corps. Serions-nous à même alors d’être chacun une frontière avec chacun son nouveau corps. 8. Il y a autant de frontières que de nouveaux corps. 9. La frontière est un simple lieu à traverser. 10. La frontière est un simple espace à occuper. 11. La frontière est un espace très simple entre le temps d’avant et le pas qui vient. 12. La frontière est un espace très simple entre le temps d’avant et le pays qui vient. 13. La frontière est un autre nom pour dire le temps nécessaire à la naissance d’un nouveau corps. 14. La frontière est une autre manière de traverser le présent. 15. S’il n’y avait pas de frontières, je reviendrai toujours ici. 16. S’il n’y avait pas de frontières, l’image en face resterait une image. 17. S’il n’y avait pas de frontières, tu ne me verrais ni partir ni revenir. 18. S’il n’y avait pas de frontières, je ne pourrais pas parcourir l’espace. 19. Heureusement, il y a des frontières.

7. À deux corps qui attendent, deux corps qui regardent. À deux corps qui regardent, deux corps qui entendent. À deux corps côte à côte, deux corps face à face. À deux corps qui d’un côté à côte font un face à face.

8. Un corps. Dans le silence. Une image. Un corps. Face à l’image. Un corps. Derrière. L’image.

9. Je me déplacerai longtemps. Avant d’être face à. Je regarderai longtemps. Avant. Je m’appuierai encore. Longtemps. Je ferai tenir encore. Longtemps. L’image face. À moi. Je ne passerai pas. À côté. De toi. Je ne ferai pas comme si tu n’étais pas. À côté. Je ferai. Pas. À pas. Je fais. Je trouverai. Pas. À pas. La frontière. Nécessaire La frontière nécessaire à franchir. Je fais. Pas. À pas. La frontière. Nécessaire. Pour être. Et : à côté. Et : face à toi. Pas. À pas. Je fais. Un nouvel espace. Très calme. Très à côté. Juste à côté. Sans image. Mon corps. Sait trouver. Un nouvel et même espace. Ailleurs. Et proche. Ailleurs. Et très proche. Parcourant chaque ligne de l’espace. Sans image. Jusqu’à trouver la distance. Juste. Afin de pouvoir commencer. Revenant. Recommençant. Depuis le silence. Et. Dans le silence. Depuis là. Où tu regardes. Dans le silence. Et dans les noms. Que la voix inlassablement égraine. Dans le silence. Dans l’avancée calme et silencieuse parmi la litanie des voix égrainant les noms. Dans le silence. Dans l’avancée et la venue de ce qui à nouveau est. Dans ce que tu entends. Là. Dans le silence. Dans cet à côté. Cette lisière. Cette attention portée. À ce qui t’accompagne. Cette lisière. Cette bordure. Cette concordance où maintenant ce que tu tiens dans le creux de la main, et ce que tu entends, et ce que tu vois : participe à tracer la ligne : que tu traverses.

10. Je ne pensais pas que tu aurais ce visage. Je ne pensais pas que tu aurais ce nom. Je ne pensais pas que tu aurais cette voix. Je ne pensais pas que tu aurais ce corps. Je ne pensais pas. C’est l’heureux temps maintenant où je retrouve un corps pour avec lui ne plus penser. Ta compagnie, cette lisière que je traverse. Maintenant.

11. Une ligne droite. Délimitant deux espaces. Un déroulement du temps. Délimitant deux espaces. Une litanie des noms. Séparant deux espaces. Et leur permettant. D‘établir. Le contact. Délimitant. Deux espaces. Le contact. Entre les deux espaces. Le point. Le point d’impact. La trace. Du contact. Par lequel. Entre l’espace. L’espace, ce lieu sans contact : entre. L’espace : est l’entre. L’espace : est sans contact. La frontière : point de contact. La frontière : est le commencement. De la traversée. De la frontière. Le contact. Est. Le commencement. De la frontière.

12. Tu limites. Tu délimites. Tu défais la limite. Tu fais le commencement. De ce qui traverse. Et défait la frontière. Tu fais ce qui défait le commencement de la frontière. À chaque instant. Tu traverses le commencement.

13. Bien sûr il y aura toujours la vie pensée avant l’arrivée du corps. Bien sûr il y aura toujours le corps pensé avant ta venue. Bien sûr il y aura toujours avant. Bien sûr, il y aura toujours. Bien sûr, il y a : toujours. Es-tu bien certain. Oui. Chaque geste que tu oses, chaque geste dit oui. Chaque geste dit je suis un temps pour le oui. Un temps très précis de la vie où de passé à futur, je viens.

14. Bien sûr il y a dans chaque regard une coïncidence entre une heure très précise – maintenant – et un instant d’origine . Bien sûr qu’il y a toujours cette envie de te retourner. Bien sûr toujours en toi tu gardes une marge d’indéfini pour le geste qui vient. Bien sûr. Il y a toujours un ancrage. À chaque pas que tu fais. Un ancrage, depuis lequel chaque pas que tu fais trace un axe vibrant, en toi, par lequel tu poursuis le mouvement. Bien sûr l’axe vibre sous tes pas. Et c’est par lui tu re-parcours tous les pas anciens. C’est par lui te reviennent tous les mots anciens, tous les gestes, tous les corps. Et bien sûr que tu les accueilles. Bien sûr : c’est avec eux que tu continues. Si tu écris le mouvement infini. Oui.



21 avril 2009.

15. Dans la précision. Dans la continuité. Dans l’avancée quelque soit le mouvement. Dans les rapprochements quelques soient les distances. Dans les déplacements quelques soient les points que tu relies. Par l’insistance, et le geste réitéré. Par l’insistance, et la suite. Par le passage, et la ligne prolongée, à chaque pas. Par le repos Par le retour. Par la distance qui sépare. Par la distance à parcourir. Pour aller. D’un point connu à l’inconnu qui vient. Pour aller. D’un espace aux frontières continues et connues à l’espace sans frontière. Par. La reconnaissance. Par. La perte. Par. La venue d’un autre. Langage. Par. La suite du même. Dans. Un autre corps.


16. Maintenant. Reprenant. Reprenant par les pas déjà faits. Reprenant. Maintenant. Par le croisement des corps. Maintenant. Reprenant. Par la lecture des corps anciens. Reprenant. Maintenant. Par l’inscription. Côte à côte. De deux récits. Côte à côte. Deux corps. Maintenant. Hors les corps. Maintenant. Hors les récits. Reprenant. Par l’inscription dans l’inédit. Par le retour. Encore. Une fois. Pour l’inédit. Par le corps. Une fois. Encore. Maintenant. La reprise. Avant la course. Maintenant. Pour le point. De départ. Et dans la courbe. Qui d’un point. Dedans. Rejoint. L’autre point. Dehors. La courbe qui. Trace. Une autre ligne. Dehors. Un autre espace. Ailleurs. C’est ici. L’espace. Est ici. Dans le corps. Un espace. D’acquiescement. Dans le corps. Pour dehors. Et la forme. Dehors. Que prend le corps. La forme. Qui prend corps. Dehors. Maintenant.

17. Et tu continues. Tu continues en pointant l’espace. Au-dessus. Tu continues en pointant l’espace. Devant. Tu continues. En pointant le livre. Tu ouvres. Tu ouvres l’espace. Tu ouvres le livre. Tu reconnais. Tu reviens. Tu reprends. Tu penses. À l’espace d’avant. Tu pousses. L’espace d’avant. Tu t’apprêtes. À croiser. Un autre corps. Tu t’arrêtes. Lorsque tu croises un autre corps. Tu lis. Dans le livre. Tu continues. Tu lis. Dans l’autre corps. Tu continues. Tu relies. Ta mémoire. À la mémoire de l’autre corps. Tu continues. Tu intègres. Tu intègres la mémoire de l’autre corps. Tu arrêtes. Le souvenir. À ce qu’il fut. Ton corps. Fait le cercle. Par lequel tu traces. Ton corps. Fait le cercle. Par lequel tu t’inscris dans l’espace. Au présent. Ton corps. Trace sa courbe. Chaque corps. Trace sa courbe. Chaque corps. Inscrit. Par le rapport. Et le lien. Entre deux points. Un nouvel espace. Entre les autres. Corps. Et. Dans le temps. Le silence. Attend. Un nouveau temps. Le silence. Apporte. Un nouveau corps. Avec lui. Tu écris.



22 avril 2009.

18. Remonter le temps. Descendre les marches. Croiser un autre temps. Descendre les marches. Une à une. Les regarder. T’arrêter au milieu. À égale distance de la première marche et de la dernière. T’éloigner du bâtiment. Marcher. Aller de tel bâtiment à tel bâtiment. Imaginer. Un point central. À égale distance. De tous les bâtiments. Et au centre. Calmement. Laisser venir quatre souvenirs. Te reposer : dans l’un des quatre souvenirs. Te rouler : dans l’un des quatre souvenir. Au centre. À égale distance de tous les bâtiments. Essayer autre chose. Essayer un autre mouvement. Dans la mémoire. De gauche à droite. En arrière. En avant. Essayer. D’être autrement. Dans le temps. Autrement. Entre les bâtiments. Essayer : de haut en bas. Essayer : de dessiner un nouveau bâtiment. Avec la tête. Avec les bras. Avec les bras, c’est différent. Essayer. De marcher. Vers les nouveaux bâtiments. Avec les bras. Entrer. Dans les nouveaux bâtiments. Écrire. Dans les nouveaux bâtiments. Écrire. Au pied des escaliers. Dans les sous-sols. Écrire. À égale distance. De tous les bâtiments. Et. Très calmement. Remonter le temps. Très calmement. Descendre les marches.

19. Maintenant. Maintenant c’est ici. Maintenant c’est toujours ici. L’autre bout de l’espace maintenant c’est ici. Tu t’assois. Maintenant tu avances à l’autre bout. C’est ici. Maintenant tu ouvres le livre. Maintenant pour aller dehors tu t’assois et tu ouvres le livre. À l’autre bout. À l’autre bout de l’espace. Maintenant tu avances. Autrement. Maintenant tu inventes un espace. Autre. Maintenant tu le re-parcours. D’arrière. En avant. Maintenant. Tu regardes. Autour de toi. Les corps nouveaux. Venus. Qui sont les nouveaux. Maintenant. Tu t’arrêtes. Pour mieux revenir. Parmi. Les nouveaux. Maintenant. Au milieu des nouveaux. Tu écris. Maintenant. Autrement. Tu reviens. Maintenant. Et le corps. Le corps répond. Maintenant. A chaque nouveau corps qu’il croise. Le corps répond. Maintenant. Tu traverses. Les nouveaux corps. Venus. Maintenant. Tu tournoies. Parmi les nouveaux corps. Maintenant. Tu traces de nouveaux axes. Au milieu. Des corps neufs. Tu t’inventes. Un nouveau corps. À ton tour.